“On développe des systèmes de traction de navires par kite, des cerfs-volants en réalité. Un peu comme le kitesurf mais pour les bateaux”, explique Yves Parlier, navigateur et désormais président de Beyond the sea. Aujourd’hui, la société équipe des petits navires de 4 à 25 mètres. Elle travaille aussi sur des embarcations de très grande taille. “On essaie de rendre la traction par kite la plus facile possible, la plus performante et la plus sûre.”
L’homme utilise le vent depuis 50 000 ans. Sapiens a colonisé les îles par le vent. “On le voit très bien parce que les îles qui sont difficilement atteignables par la voile sont restées non colonisées pendant très longtemps.”
En l’espace de 100 ans pourtant, le pétrole a balayé le vent et l’a remplacé par des moteurs polluants. “Donc, pour moi, les moteurs à pétrole c’est une petite parenthèse dans l’histoire de la navigation. En revanche, pendant cette période où on a consommé du pétrole, on a énormément progressé sur l’utilisation du vent. Grâce à la compétition, grâce au sponsoring, grâce à l’industrie nautique et la plaisance. Aujourd’hui, on n’a aucun problème pour tracter, propulser des bateaux de 200 000 tonnes. Ce n’est qu’une question de transferts de technologies. C’est ce à quoi l’équipe de Beyond the sea s’attelle. On est très confiants sur l’avenir pour faire un transport maritime durable”, s’enthousiasme Yves Parlier.
Un constat qui appelle à l’action
Toute sa vie, le navigateur a parcouru le globe. “Quand on fait le tour du monde, on se rend compte que la Terre ne va pas bien. Qu’on consomme des énergies fossiles qui ne vont pas durer dans le temps puisqu’on les épuise. Et je me suis demandé comment ça se faisait que les bateaux à moteur n’utilisaient pas le vent quand il était là.” Avec son équipe, il a réfléchi à une solution hybride pour ne rien changer sur les bateaux à moteur actuels… mais pour qu’ils puissent avoir un kite quand il y a du vent et qu’ils ainsi réduire leur consommation d’énergie. “On a regardé toutes les solutions propulsion par le vent et le kite nous a paru la solution de loin la plus favorable”, explique Yves Parlier.
Le kite est le moteur le plus léger qui soit, le plus puissant, avec un carburant qui est gratuit, qui est le vent. En mer, celui-ci est très souvent présent. Et le kite vole en altitude, donc il attrape un vent plus fort, plus orienté. Il présente un autre avantage par rapport à un système de voile classique : celui de ne pas nécessiter tout un système de mats, de poulies. Le liberty kite peut s’installer sur n’importe quel bateau à moteur en 10 minutes. Beyond the sea propose également des formations aux marins et plaisanciers pour maîtriser rapidement son matériel.
Cette technologie sera présentée à bord du Seakite, un catamaran démonstrateur qui va prendre le large en février pour un tour du monde qui va le mener en direction de l’Espagne, du Portugal, du Maroc, de la Mauritanie, du Sénégal, du Cap-Vert, des Antilles, des États-Unis, où l’équipe est attendue à l’ONU à New-York, puis du Québec. Retour par Londres et l’Organisation maritime internationale, puis la Bretagne, avec une arrivée prévue en septembre à Arcachon.
Une autonomie infinie
Le Seakite n’est pas un inconnu. Le bateau a été entièrement imaginé par une équipe de jeunes architectes grâce à l’aide de la Région Nouvelle-Aquitaine dans les années 2000. Au sec depuis 2006, après avoir battu deux records du monde de distance parcourue, il est remis à l’eau pour tester ces systèmes dans les années à venir. Le kite sera sa propulsion principale, mais bénéficiera d’une propulsion secondaire électrique, laquelle va pouvoir s’inverser et créer de l’électricité, une technologie innovante mise au point par la société ADV propulse à Bordeaux.
Des panneaux solaires seront aussi disponibles quand le bateau sera au port. À noter aussi l’apport d’Herma énergies, de la Teste-de-Buch (33), qui a mis au point un système pour gérer toutes les sources et dépenses d’énergie à bord, ainsi que son stockage.
Un système sans commune mesure avec ce qui existe aujourd’hui. “Avec notre équipement, on dépasse très largement l’autonomie d’un moteur diese, explique Yves Parlier. Pour traverser l’Atlantique, il faut embarquer des quantités de gazole très importantes. Les réservoirs ne suffisent pas en général. Il faut alors embarquer des bidons supplémentaires. Là, on a la possibilité de naviguer de manière infinie et on n’a jamais besoin de faire le plein d’essence en arrivant au port. Ça va permettre aux bateaux de traverser l’Atlantique en étant parfaitement autonomes.”