Humour, amour. Les deux mots se ressemblent, sont au centre de nos vies, se croisent, se parlent, s’associent parfois, se rejettent souvent. Pour en discuter, nous avons convié dans nos studios Yves Cusset, philosophe et comédien. Il est auteur de plusieurs ouvrages. Le dernier en date est “L’amour sur le bout des doigts” (éditions du rocher, NDLR). Interview.
AirZen Radio. Quelle place tient l’amour dans votre vie ?
Yves Cusset. Punaise, cette question est difficile et large ! Il paraît que Victor Hugo disait : “Une vie sans amour ne vaut pas la peine d’être vécue” [citation également prêtée à Marcelle Auclair, NDLR]. Mais, pour moi, c’est une base, un pilier. Quand on l’a, on a peur de le perdre. C’est un équilibre précaire. Je suis convaincu de son caractère merveilleux. C’est un médicament pour oublier la vie ou la mort. Au fond, c’est la même chose.
Il y a une relation compliquée entre “amour” et “humour”. Dans la pop culture, les amoureux transis, ceux qu’on aime, ne sont en général pas les plus drôles…
Le sens de l’amour et le sens de l’humour, est-ce que ça peut aller de pair ? C’est vrai. Il y a la vision de l’amour. Que l’on articule avec le désir. Le rire rend moyennant désirable. C’est lié à l’imaginaire. Il n’y a pas de raison que l’humour soit un obstacle, pourtant. Mais c’est vrai que dans nos représentations, on se représente l’amoureux.se comme objet de désir. On érotise peu le comique. Même si on invente aussi des formes d’érotisme comique comme l’effeuillage burlesque, par exemple, pour se réapproprier son corps ou le corps de l’autre.
Peut-on faire de l’humour avec de la philosophie ? En tout cas, c’est ce que vous proposez dans vos spectacles…
Je ne sais pas si on peut. Je sais juste que je me l’autorise. Les philosophes se sont assez peu intéressés au rire ou, alors, via une dimension un peu moralisante. Comme si le rire était incompatible avec la recherche de la vérité. C’est faux. Le rire est, pour moi, une respiration qui nous permet, ensuite, de revenir à une tâche plus sérieuse et difficile. Mais c’est aussi et surtout une autre manière de comprendre les choses. Une ouverture précieuse. Le rire, c’est nos racines, c’est inséparable de notre présence au monde. Le rire est une forme de jouissance.
