Huit jours. 1200 km. 25 cols. Ce voyage initiatique autant que sportif, Pierre-Nicolas Marqués, ancien coureur cycliste amateur, n’en est pas à l’origine. Il répond alors à l’appel d’un ami, Jacques d’Arrigo, rencontré lors d’une traversée d’Espagne à vélo. Ce dernier souhaite se mobiliser pour la recherche contre la maladie d’Alzheimer, dont était atteint son grand-père. Jacques d’Arrigo rassemble quatre autres amoureux du vélo, qui ne se sont alors jamais rencontrés. Les présentations sont faites un soir à Canet-en-Roussillon, près de Perpignan. Le lendemain, c’est le grand départ, direction Biarritz, dans le but de récolter des fonds via les réseaux sociaux “le long du parcours”. Nous sommes en 2021.
“À vélo, on ne peut pas tricher”
“On s’est vraiment rencontré sur le vélo et c’est ça qui était très amusant”, se remémore Pierre-Nicolas. “Comment un groupe d’inconnus évolue jour après jour, dans l’adversité, vers le même but ? C’est là où se tissent les liens, parce que je crois que, dans l’effort, on va droit à l’essentiel. On ne veut pas tricher, on se débarrasse de toute fioriture et c’est pour ça qu’aujourd’hui, on a des liens très forts, alors qu’on a seulement partagé huit jours de nos vies”.
Il y a eu des moments de galère autant que des expériences extraordinaires, notamment lorsqu’on atteint un sommet, après la pluie, la neige parfois, le vent de face, le dénivelé. “Il n’y a aucun sommet où la vue ne soit pas belle”, écrit Sylvain Tesson. “Et ça, c’est la plus belle des récompenses, de se dire qu’on l’a fait, d’avoir en plus le plaisir de la vue et ensuite de filer à toute allure dans la descente. Ce sont des sensations extraordinaires de liberté”.
Pierre-Nicolas a l’habitude de tenir un carnet de bord lors de chacun de ses voyages. Le soir, malgré la douleur et l’épuisement physique, il note ce qu’il ressent, ce qu’il a vu, éprouvé, comment il a évolué avec son équipe de coureurs. “J’ai réalisé que l’aventure que j’étais en train de vivre était quand même extraordinaire et je me suis dit que, peut-être, mon premier livre était là”.
De retour, il écrit donc son premier ouvrage, “Mémoire en roue libre”, publié aux éditions Cairn. Ce livre retrace cette traversée des Pyrénées pour la Fondation recherche Alzheimer de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris. Mais c’est aussi un récit à travers une terre de cyclisme, foulée depuis plus d’un siècle, chaque été, par le Tour de France. “Pour l’ancien coureur amateur que je suis, c’était un rêve d’enfant qui se réalisait. Ça raconte l’importance de se souvenir, de se mettre en retrait de ce monde parfois schizophrénique, de contempler la nature pour comprendre davantage ce qu’il se passe en nous”.
Le vélo, une machine à remonter le temps
Se souvenir. Se rappeler que c’est sa grand-mère maternelle qui l’a initié au Tour de France, un après-midi de juillet 2003. Subjugué, il se met immédiatement au vélo, sur les traces de Mark Cavendish, codétenteur en 2021 du record du nombre de victoires d’étapes sur le Tour de France. “Le vélo, c’est comme une machine à remonter le temps, que j’associe à l’enfance. On a tous le souvenir d’un oncle, d’une tante, d’un grand-père ou d’une grand-mère qui nous a appris à faire du vélo. Il y a ce côté madeleine de Proust”.
Si Pierre-Nicolas recherchait jadis la performance sportive, il lève aujourd’hui la béquille pour d’autres raisons, après une contrariété, un chagrin d’amour, ou parce qu’on lui propose, tout simplement. Dans tous les cas, le départ lui permet de se délester de ce qui l’encombre pour atteindre les cimes montagneuses. “Ça purifie l’âme et on revient apaisé, parce que le vélo nous ancre dans le présent. Il n’y a que l’instant, que ce qui est en train de se passer, qui compte. Ça permet de se reconnecter à soi. J’ai tendance à penser que le vélo élimine tout ce qui ne sert à rien. On ne garde que l’essentiel, donc ça fait du bien à la tête. Et ce voyage, je n’en ai gardé que l’essentiel”.
Il a souhaité partager cette expérience, car il croit profondément que transmettre est justement le but de la vie. Et aussi parce que lorsque l’on vit quelque chose de beau, on a envie d’en faire profiter le plus grand nombre. “Mémoire en roue libre” est donc aussi une manière de montrer que “rien n’est grave, que tout passe, qu’on se répare de tout ce qui nous abime et que prendre la fuite demande du courage et qu’il faut parfois s’écouter”.
Une poésie de l’été
Rendre hommage également à ce décor grandiose que sont les Pyrénées via “ce livre, qui est aussi une déclaration d’amour au Tour de France qui, pour moi, n’est pas qu’une course de vélo, mais une fête sur le bord des routes faisant partie du patrimoine français. C’est l’évènement sportif de la France rurale qui a traversé les deux guerres. Tout le monde connait le Tour de France, tout le monde en a un souvenir. C’est une poésie de l’été que cherche également à retranscrire le livre”.
Cette thématique ne manquera pas d’attirer les amoureux de cyclisme à l’approche de la Grande boucle et en cette année olympique. L’actuel champion du monde paralympique de poursuite individuelle, le cycliste handisport français Dorian Foulon, a par ailleurs participé à l’écriture d’un passage du livre, dans lequel il raconte comment son handicap l’a emmené jusqu’au cyclisme.
Pierre-Nicolas Marqués fait actuellement la promotion de son livre, une tournée qui le mènera notamment à Paris. Retrouvez tout le programme sur son compte Instagram.