« Mais papi, tu ne vas pas leur faire de mal ? » Lancée au milieu des oies du lycée agricole de Rouffach (Haut-Rhin), la demande du petit-fils de Marcel Metzler a été déterminante. La remarque de l’enfant a été un point de bascule pour le producteur de foie gras alsacien qui, depuis, plaide pour la possibilité de créer un foie gras bio et sans gavage.
L’idée n’est pas anecdotique et pourrait même être conflictuelle. Pour autant, Marcel Metzler tient à apporter sa pierre à l’édifice : « Je ne me dresse pas contre la filière mais j’amène juste une solution différente ».
Du gros foie au foie gras…
Il remonte alors l’histoire et voit qu’à l’époque de l’Égypte antique, mais aussi au Moyen Âge, le foie gras s’appelait « gros foie » et était fait sans gavage. « En l’an 100, une recette d’Apicius [cuisinier sous la Rome antique, NDLR] arrivait à faire des gros foies en donnant du vin et du miel », s’amuse-t-il.
D’une manière générale, il rappelle que l’oie peut manger plus de 7 fois dans la journée pour faire ses réserves pour migrer dans les contrées plus chaudes. C’est ce principe que Marcel Metzler veut développer pour obtenir un foie gras d’oie sans gavage, mais pas pour les canards.
Seulement, la réglementation est à faire évoluer. Celle en vigueur précise que l’appellation « foie gras » ne peut être issue que de « palmipède gavé ». Et le label bio ne permet pas le gavage. « Mais il y a deux façons de se gaver », rebondit Marcel Metzler. Il distingue « être gavé » et « se gaver, comme on le fait un peu à Noël d’ailleurs ».
L’association animaliste L214 s’insurge aussi contre la pratique du gavage et dénonce également l’abattage. « Pour moi aussi, c’est compliqué d’en parler. Je ne peux pas penser que mes oies ont été abattues, ça me fait encore mal au cœur », répond sans fard Marcel Metzler.
“Foie gras naturellement bien élevé”
L’économie du foie gras fait vivre 30 000 familles et représentent 100 000 emplois directs. Le chiffre d’affaires avoisine les 2 milliards d’euros. Si les chiffres bruts semblent importants, la filière reste une petite économie au regard de l’industrie agroalimentaire. Surtout, les producteurs de foie gras ont affronté une crise importante due à la grippe aviaire.
Alors, pourquoi autant pousser pour faire évoluer les choses ? « On correspond à l’air du temps », précise simplement le producteur, persuadé que sa demande aboutira un jour ou l’autre. Il ajoute qu’il n’est pas seul puisque tout le monde souhaite « mieux connaître les filières, d’où viennent les produits ».
Le producteur est d’autant plus à l’aise à porter ce sujet que ce n’est pas à des fins commerciales puisque actuellement la production serait bien trop faible. À peine pourrait-il en apporter au ministère de l’Agriculture pour leur prouver qu’en plus son goût est unique.
C’est aussi pour cela que ses productions s’appellent subtilement « foie d’oie naturellement bien élevé ». Et il conclut : « C’est une démarche nature. On laisse faire la nature avec la réussite qu’on a. L’oie nous donne ce qu’elle a envie de nous donner. On la respecte. »