À l’origine de ce défi, un constat : l’impossibilité de voyager à cause du Covid-19. Frédéric Degoulet, guide de haute montagne basé à Chamonix et professeur à l’Ecole nationale d’alpinisme, a l’habitude de parcourir le monde chaque année à l’assaut des plus grands sommets du globe.
“J’avais l’habitude de faire des expéditions un peu lointaines, avec un peu d’engagement, d’inconnue. Du coup, je me suis mis en tête d’essayer de réaliser un projet de la même envergure qu’une expédition himalayenne, mais à la maison. En regardant la carte du massif du Mont blanc, je voyais qu’il y avait une ligne assez logique pour faire un cercle au départ de Chamonix et pour relier les arêtes un peu majeures. C’est de là qu’est partie l’idée de faire cette grosse boucle autour de la Mer de Glace.”
Des conditions météo idéales
Début juillet, après dix jours de préparation, notamment pour disséminer de la nourriture sur leur route, histoire de ne pas partir trop chargés, les deux hommes quittent Chamonix pour un périple de neuf jours où ils ne descendront pas en dessous de 3 500 mètres d’altitude. “Le but était de rester là-haut en ayant fait tout le tour du bassin versant de la Mer de Glace.”
Un parcours qui ne présenterait pas trop de difficultés, confie humblement l’alpiniste. Seulement 50% des professionnels français auraient déjà réalisé, par tronçon, ce périple. L’originalité étant de réaliser le parcours en une seule fois. Challenge déjà tenté, mais jamais bouclé jusqu’ici. Eux-mêmes avait essayé l’année précédente, mais avaient été contraints de redescendre à cause des mauvaises conditions météorologiques.
“Bien que j’aie déjà parcouru la plupart de ces parois, je ne me lasse pas de ces panoramas un peu verticaux avec des aiguilles de granit, des glaciers spectaculaires”
“Notre plus grosse frayeur, c’était la météo”, confie Frédéric Degoulet. “Difficile de tout prévoir parce qu’on reste quand même dans un environnement un peu hostile. S’il y a du mauvais temps là-haut, il peut neiger même au mois de juillet. Ce qui nous a fait échouer la dernière fois.” Finalement, ce début d’été aura bénéficié d’un temps exceptionnel, qui aura permis aux grimpeurs de réaliser leur exploit.
Pour autant, c’est la sécheresse qui aurait pu être préjudiciable : “La difficulté a été de trouver des endroits pour dormir avec de la neige, laquelle permet de cuisiner.” Sans compter les problématiques de déplacement. “On a grimpé sur des châteaux de cartes. Il y a eu des zones où on s’est fait relativement peur du fait que ça puisse s’effondrer. Alors que d’habitude, la neige ou la glace tient tous ces blocs ensemble.”
Des paysages spectaculaires
Des difficultés rapidement effacées par la beauté des paysages. “Tout le long du chemin, on est entouré de panoramas fantastiques. Bien que j’aie déjà parcouru la plupart de ces parois, je ne me lasse pas de ces panoramas un peu verticaux avec des aiguilles de granit, des glaciers spectaculaires. C’est un peu mon quotidien, mais j’adore toujours autant”, s’enthousiasme Frédéric Degoulet.
Une aventure qui s’inscrit aussi dans une volonté de montrer que l’on peut réaliser des choses d’ampleur en termes d’alpinisme de haut niveau, en restant dans un massif local. “En tant que guides de haute montagne, on est un peu les premiers témoins de la fonte des glaciers, de la dégradation des voies, des pans entiers de montagne qui tombent à cause de la perte du permafrost. Nous sommes aux premières loges de l’impact du réchauffement climatique.”
Leur engagement vise aussi à montrer que les plus grandes choses sont réalisables, pas forcément à l’autre bout du monde, mais ici, tout près de chez nous. Un message qui sera restitué en images avec le film de leur aventure en cours de réalisation. Sortie prévue début 2023.
