“Le vélo, je pensais que c’était impossible, que ce n’était vraiment pas fait pour moi”, se remémore Sarah Haddad. Et puis, à son arrivée à Bordeaux, voyant les nombreux cyclistes arpenter les rues pavées, elle a envie de s’y mettre. Elle donne naissance à un petit garçon et se dit qu’elle ne veut pas se priver de l’opportunité de l’emmener en balade. Elle contacte alors l’association Vélo-cité, qui propose des stages pour apprendre à faire du vélo et de remise en selle.
“J’avais trois semaines devant moi et j’ai appris à faire du vélo et ça a changé ma vie”, raconte-t-elle émue et enjouée. À la fin du stage, il est de rigueur d’organiser un petit repas sur les quais avec le triporteur de l’association. Tout le monde apporte alors l’une de ses spécialités. Sarah concocte un houmous avec des falafels. “Je dressais les assiettes. Il faisait beau. J’ai eu le déclic à ce moment-là. Faire à manger pour les gens, ma cuisine, s’approprier la ville, se poser, profiter du paysage. C’est là que j’ai décidé de faire cela au quotidien et tout s’est enchainé.”
Sarah savait déjà, qu’après une carrière en tant que pharmacienne, elle voulait devenir traiteur, sans savoir exactement vers quelle cuisine s’orienter. Et ce jour-là, sur les quais de Bordeaux, il est apparu évident que ce serait la cuisine de son enfance. La cuisine judéo-arabe. “C’est une cuisine magnifique, pleine de chaleur, de douceur, avec beaucoup de légumes cuits, confits, rôtis. C’est une cuisine qui est saine aussi, qui fait du bien au corps”, décrit-elle.
Petite, avant l’arrivée du week-end, elle se rendait avec son papa rue des Rosiers, à Paris, chez un petit traiteur qui proposait une multitude de produits – des pistaches, des amandes grillées -, qui coupait le saumon fumé devant le client. Ça sentait la bonne huile d’olive et les petits gâteaux. Sarah se met en tête de trouver à Bordeaux un réseau de petits fournisseurs du même acabit.
Mais pour réaliser son projet, encore fallait-il trouver le vélo de ses rêves. Elle a dû traverser la France plusieurs fois pour essayer divers modèles, à Lyon, en Normandie, qui finalement ne lui conviennent pas parfaitement. Et puis, un jour, par hasard s’il en est, elle croise sur son chemin, à Bordeaux, le vélo tant attendu. Un livreur qui chevauchait la perle rare apparaît devant elle. “Il avait exactement le modèle que je cherchais depuis longtemps et que je n’arrivais pas à essayer parce qu’il n’est pas si répandu que ça, une marque hollandaise. Je lui demande si je peux essayer son vélo. Pas de problème, me dit-il. Je l’ai testé et c’était ce vélo, le vélo de mes rêves. Voilà, je l’ai trouvé mon vélo !”
La suite, pour Sarah : acheter cette fameuse bicyclette, puis monter la caisse avec la cuisine à bord, un beau comptoir, un bel étal traiteur, une belle canopée au-dessus. Le tout réalisé par des artisans locaux, des artisanes même, puisque Sarah a voulu s’entourer de femmes pour donner vie à ce bel objet sur mesure. Le tout devrait être prêt pour le lancement officiel de Shakshouk en avril prochain.
“Tout est possible à vélo”, s’émerveille-t-elle. “Et il y a cette liberté qu’il n’y a pas quand tu as ta petite boutique. Tu peux te déplacer partout. C’est une autre façon de vivre, d’appréhender l’espace, le temps. Tout ce que tu peux faire à pied, tu le fais trois fois plus vite à vélo. Tu ne vas pas aussi vite qu’en voiture, mais tu ne pollues pas. En regardant en arrière, je me dis qu’il y a eu beaucoup de chemin de parcouru. Que je ne m’imaginais pas du tout arriver jusque-là. Je suis super heureuse de vivre tout ça, je me sens vivante, en harmonie, je me sens avoir ma place dans la ville. Je fais plein de rencontres. Des gens tous plus extraordinaires les uns que les autres.”
Pour continuer d’encourager Sarah dans la poursuite de son rêve, c’est par ici.