Au lieu de cacher les cassures, le kintsugi les met en valeur avec une ligne d’or. Et ça répare l’âme. Une méthode qui s’oppose totalement à la réparation illusionniste, invisible, que l’on pratique en Europe. C’est aussi un art du réemploi, et ce n’est absolument pas toxique. On peut ainsi se resservir des objets, ce qui est quand même l’intérêt premier de réparer notre vaisselle !
“Si vous faites une restauration illusionniste, vous allez récupérer l’esthétique de l’objet mais pas sa fonction”, explique Myriam Greff, restauratrice d’œuvres d’art, spécialisée en céramique, qui pratique et enseigne le kintsugi en région parisienne.
“Kin” signifie or en japonais, “tsugi” veut dire jointures, ce qui donne littéralement : jointures en or. Cette technique suit un protocole bien particulier et, si l’on suit la technique ancestrale, elle doit se pratiquer avec une laque issue de la sève de l’urushi, un arbre japonais. “Donc, au lieu de cacher les cassures, on va venir les mettre en valeur avec cette laque d’or. Au lieu de voir la cassure, vous allez voir une ligne d’or.”
Un investissement émotionnel
En Asie, c’est l’art de la modestie. En Occident, c’est devenu un synonyme de résilience. Il y a une recherche spirituelle lorsqu’on qu’on choisit de réparer des objets avec de l’or qui, la plupart du temps, n’ont pas une valeur énorme. “Je dis toujours qu’on ne m’apporte pas un objet, on m’apporte une histoire”, raconte Myriam Greff. Des objets très proches de nous, qu’on a énormément investis émotionnellement, d’autant plus si c’est un objet qui a appartenu à un proche ou si c’est à un moment de notre vie où on peut se projeter dans la rupture de cet objet.
Des objets qui, quand ils sont réparés, deviennent des objets mémoire, qui témoignent de leur propre histoire et de celle de la personne qui vient réparer l’objet. “Il y a un investissement émotionnel qui est énorme dans le fait de faire réparer un objet du quotidien par le kintsugi.”
Quand on le fait soi-même, c’est encore une expérience différente. Bien sûr, il y a cet engouement mondial autour du “do it yourself”. Mais là, il y a une notion de recherche d’expérience, de voyage intérieur, quelque chose de très personnel. “On ne vient pas s’intéresser à cet art par hasard. J’ai beaucoup de psychiatres, de médecins parmi mes clients. Ensuite, beaucoup de personnes qui ont vécu des traumatismes divers, la maladie, ou qui ont perdu un proche de la même manière qu’un bol se casse. Donc ce n’est pas une démarche anodine. C’est pour ça que ce sont souvent de belles rencontres lors des stages, avec des profils très variés mais avec une âme commune.”