La Fédération SOS GLOBI rassemble une vingtaine d’associations de patients atteints de drépanocytose et de la thalassémie. Chaque personne qui préside une antenne de la fédération est soit, elle-même malade, soit membre de la famille d’un malade. En 2018, Maryannick Lepetit, atteinte de la drépanocytose, s’est lancée et a fondé l’antenne locale de SOS GLOBI de Nouvelle-Aquitaine.
AirZen Radio. Qu’est-ce que la drépanocytose et la thalassémie ?
Maryannick Lepetit. La drépanocytose est une maladie génétique qui touche l’hémoglobine, la protéine qui transporte l’oxygène dans tous les organes. Et la thalassémie est une déficience de l’hémoglobine, aussi, donc une déficience de la fabrication de l’hémoglobine.
Le patient drépanocytaire fabrique son hémoglobine mais l’hémolyse, la destruction de son hémoglobine, provoque une anémie chronique. Tandis que le patient qui a la thalassémie ne fabrique pas suffisamment d’hémoglobine pour avoir une action au niveau du transport de l’hémoglobine.
Ce sont donc deux maladies bien distinctes ?
Oui. Il y a la thalassémie, qui est transfusion dépendante. Et la drépanocytose, qui n’est pas forcément transfusion dépendante. C’est-à-dire que toutes les six semaines, le patient qui a la thalassémie est obligé d’aller se faire transfuser un certain nombre d’unités de sang pour avoir une vie à peu près normale. Mais pour le patient atteint de drépanocytose, c’est davantage la déformation de son hémoglobine qui lui provoque des crises. La douleur est alors importante, difficilement descriptible. C’est plus important qu’une fracture, bien souvent, il ressent aussi une importante fatigue et souffre d’un manque d’hydratation. Et donc d’une chute de l’hémoglobine bien souvent. Cela peut être une crise en discontinue, provoquer des hospitalisations, et conduire à une transfusion.
En ce qui concerne la drépanocytose, j’ai cru comprendre que c’est à cause de la forme des globules rouges que cela posait problème ?
Oui, ils sont en forme de faucille, comme un haricot. Normalement, l’hémoglobine est ronde, elle peut donc glisser dans les capillaires, les petits vaisseaux, tranquillement. Elle se bouscule dans les capillaires . Mais avec sa forme de faucille, elle se bloque dans les capillaires, ce qui provoque l’hypoxie, donc le manque d’oxygène au niveau des organes. Et on appelle ça une crise vaso-occlusive.
En quoi ces maladies ont des répercussions sur le quotidien des patients ?
Je suis tout le temps fatiguée. Tout le monde est fatigué, mais le malade est plutôt épuisé. On parle d’asthénie. C’est une fatigue chronique qui empêche les activités. Par exemple, pratiquer du sport ou préparer un long voyage devient problématique. Il faut des temps de repos. Personnellement, je ne travaille plus parce que je ne peux plus avoir le même rythme que qu’une personne normale. Et ça a un impact social puisque si vous êtes hospitalisé, par exemple, trois fois dans le mois, la paie va diminuer. Donc, vous avez moins d’argent, moins de possibilité pour vous faire plaisir.
Du coup, ça nous isole aussi des autres et des interactions. Parce que quand la personne se sent fatiguée et que vous lui demandez si elle veut sortir, celle-ci va vous dire qu’elle est trop fatiguée. Si elle sort quand même, elle va le payer par une crise ou de la fatigue le lendemain ou les jours suivants. Aussi, tout le monde ne comprend pas cette maladie. On peut se sentir incompris.
Combien de personnes sont concernées par la thalassémie et la drépanocytose ? Il est difficile de trouver des chiffres récents…
C’est vrai que c’est une énigme. On ne comprend pas pourquoi les chiffres ne sont pas arrêtés. C’est peut-être dû à ce dépistage qui n’était pas systématique jusqu’à présent. On espère que maintenant, on va avoir des chiffres un peu plus précis. Grâce au travail acharné des associations, nous avons en effet obtenu auprès de la Haute Autorité de Santé que le dépistage soit systématique pour tous les nouveaux-nés. Avant, le dépistage était fait selon les origines ethniques. Il y avait cette idée que les personnes d’origines afro-caribéennes étaient plus sujettes à la drépanocytose. Donc beaucoup de malades passaient entre les mailles du filet.
De façon générale, comment SOS GLOBI agit pour aider les patients à mieux vivre avec leur maladie ?
Il faut savoir que la fédération est la seule association qui sensibilise sur ces deux pathologies. Nous faisons donc des campagnes de sensibilisation tous les ans, en septembre. Il ya = aussi des webinaires, séminaires où des professionnels viennent expliquer la maladie, les avancées des traitements. Nous travaillons également avec des laboratoires pharmaceutiques qui nous aident. On peut par ailleurs compter sur le soutien du centre de référence du CHU de Bordeaux.
En parallèle, nous organisons des ateliers pour sensibiliser les personnes avec des thèmes différents, comme le sport adapté. Comment prendre ses médicaments ? Que faire quand on a de la fièvre ? Les personnes qui participent à ces ateliers peuvent donner leur ressenti et aussi avoir des conseils d’un professionnel.
Quels traitements existent ?
Il n’y en a pas beaucoup. Mais, il y a l’hydroxycarbamide, qui stabilise le patient (utilisé en prévention de complications de crises vaso-occlusives, NDLR). En revanche, tous les malades n’y ont pas accès. Peut-être parce qu’ils n’ont pas l’habitude de prendre des traitements. Il faut sensibiliser les personnes à se faire soigner. Sinon, le seul traitement curatif, qui soigne la maladie pour l’instant, c’est la greffe de moelle osseuse. Dans ce cas-là, il faut avoir en compatibilité avec un frère, une sœur, un père ou une mère. Tous les malades ne peuvent donc pas bénéficier de ce traitement.
Qu’en est-il du don du sang ?
Le don de sang est très très important. Parce que, quand il y a une crise vaso-occlusive, il faut tout de suite réoxygéner, redonner et faire remonter le taux d’hémoglobine. Les patients qui ont la drépanocytose sont consommateurs de sang et en ont besoin régulièrement. Il y a aussi des malades qui se soignent avec des transfusions régulières. On enlève alors un peu de sang malade et on rajoute du sang un normal pour que le malade puisse avoir une activité à peu près normale.
Sinon, on attend avec impatience la thérapie génique. En gros, on va chercher un gène déficient, on le transforme et on injecte un nouveau gène dans l’organisme. La technique a été mise en avant précocement pour la thalassémie. Nous espérons donc que cette thérapie génique sera mise en avant aussi pour la drépanocytose. C’est un véritable espoir de guérison pour les malades.