Santé : comment expliquer l’augmentation des allergies alimentaires

Séverine Fernandez est médecin-allergologue à La Ciotat et présidente du Syndicat français des allergologues. Elle revient sur la hausse de 300% en 20 ans des allergies alimentaires.

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Santé : comment prévenir les allergies alimentaires ?

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Santé : la différence entre allergie et intolérance alimentaire

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Le Dr Sévérine Fernandez explique la hausse des allergies alimentaires

Le Dr Sévérine Fernandez explique la hausse des allergies alimentaires

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L’allergie est un enjeu de santé public. Cela a d’ailleurs pu être rappelé lors de la Semaine mondiale de l’allergie. Lors de cet événement organisé par le Syndicat français des allergologues (Syfal) et l’Organisation mondiale de l’allergie, un chiffre a fait grand bruit : en 20 ans, les allergies alimentaires ont augmenté de 300% en France. On fait le bilan avec le médecin-allergologue Séverine Fernandez, présidente du Syfal.

Séverine Fernandez est médecin-allergologue à la Ciotat et présidente du Syfal, le Syndicat français des allergologues. Photo privée

AirZen Radio. Comment expliquez-vous cette augmentation de 300 % des allergies alimentaires en 20 ans ?

Séverine Fernandez. Ce n’est pas une étude qui a été menée. En France, il y a le réseau Allergo-Vigilance, qui est un réseau d’allergologues. Dès que nous avons, dans notre cabinet ou en consultation à l’hôpital ou autre, des cas d’allergies alimentaires, on les recense et on fait remonter les cas. On fait remonter toutes les incidences d’allergies alimentaires, que ce soit à l’école ou en dehors, à ce réseau de surveillance. Il y a une vingtaine d’années, celui-ci avait calculé que la prévalence des allergies alimentaires chez l’enfant était entre 2% et 4% en France.

Il a réévalué ce chiffre il y a quelques années, autour de 2020. Ce pourcentage était alors entre 6 et 8%. Les incidences d’allergies alimentaires ont donc été multipliées par deux. Et augmenté de 300 %. C’est en fait peu, quand on regarde les pourcentages. Mais il faut avoir en tête qu’il y a à peu près 14 000 000 d’enfants en France. Cela représente donc tout de même 1 000 000 d’enfants concernés par ces allergies.

Derrière cette augmentation, notre mode d’alimentation est certainement mise en cause…

C’est multifactoriel. Les allergies, de base, augmentent. On sait, que l’Organisation mondiale de la Santé a annoncé qu’en 2050, 50% de la population serait allergique. Ce chiffre correspond à la fois aux allergies respiratoires et alimentaires. Concernant cette dernière, si on en avait la cause, on pourrait trouver facilement des remèdes. Mais elle est aussi plurifactorielle.

On parle de problématiques au niveau du microbiote, liées à l’alimentation ultratransformée, l’industrialisation. Il y a également un appauvrissement qui existe et qui se met en place au niveau du microbiote. Mais aussi des facteurs environnementaux : on ne mange pas les mêmes choses aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Il y a aussi le terrain, qu’on appelle l’atopie. On sait que la dermatite atopique a augmenté. Ce terrain favorise les allergies en général et son allergie augmente aussi l’incidence au niveau des allergies alimentaires.

Y a-t-il des aliments qui rendent plus allergiques chez les enfants et/ou les adultes ?

Les enfants sont principalement concernés par les allergies alimentaires. Le point positif, c’est qu’il y en a beaucoup qui guérissent. Les diagnostics se font à la découverte alimentaire qui va permettre l’apparition de ces allergies. Quand ils consomment pour la première fois du lait, des œufs, c’est à ce moment-là qu’il peut y avoir l’apparition des signes d’allergie. Les principaux aliments sont les œufs, le lait et l’arachide.

On constate actuellement, pour revenir aux adultes, qu’il y a de plus en plus de phénomènes d’allergies croisées pollens-aliments. Ce sont les panallergènes. Ils sont aussi responsables de réactions allergiques alimentaires. Dans ces cas-là, qui touchent essentiellement les adultes, ce sont des allergies respiratoires qui sont confondues par le système immunitaire quand ils mangent un aliment car il y a des protéines communes.

Comment cela peut-il être possible ?

Pour comprendre, il faut rappeler ce que c’est vraiment une allergie. C’est le système immunitaire qui capter des protéines pour les analyser et regarder si c’est un ennemi ou un ami et qui va avoir cette protéine. Et dans l’allergie, il va se tromper, il va se dire, c’est un agresseur, il faut que je lutte. Il va appeler en renfort ses camarades, un peu petits soldats, pour leur dire qu’il faut lutter contre cet « agresseur ». Alors que c’est finalement une simple protéine de l’environnement.

Il y a des protéines qui sont communes entre les pollens et certains aliments. Il y a un syndrome très connu qui fait que quand on mange notamment de la pomme, des sensations de picotement vont apparaître dans la bouche. La lèvre peut même enfler. Cela s’appelle le syndrome pomme-bouleau. C’est le bouleau qui entraîne cette allergie. Dans le sud, il y a le cyprès-pêche. L’allergie au cyprès peut donc donner des allergies à la pêche. Il y a beaucoup d’autres allergies croisées de ce type. Cest ce qu’on retrouve principalement chez l’adulte.

Est-ce qu’il y a de nouvelles allergies qui vous interpellent ?  

Lors de la Semaine mondiale de l’allergie, la docteure Catherine Piquet a fait un bilan sur les allergies qu’on appelle émergentes. Le réseau Allergo-Vigilance a recensé des cas d’allergies alimentaires de plus en plus courantes. Ce qui nous alerte, actuellement, sont les légumineux, comme le pois, ou le lait de chèvre, qui ne sont pas des allergènes à déclaration obligatoire. Ils ne sont pas reconnus, mais de plus en plus de cas d’allergie apparaissent.

Est-il possible de prévenir une allergie alimentaire ?

Avant, on avait tendance à dire qu’on ne devait pas introduire l’œuf chez l’enfant lors de la diversification, d’éviter les fruits à coque. Il y avait cette idée que plus on allait lui donner ces aliments le plus tard possible, plus on allait éviter de créer une allergie. On s’est rendu compte que pas du tout. Les cas d’allergies ont quand même augmenté. Des études montrent qu’introduire tôt permet d’adapter, de créer une tolérance. Mieux vaut donc privilégier l’introduction précoce de ces aliments.

Il y a aussi des recommandations sur le lait maternel. Une femme qui a envie d’allaiter son enfant, va éviter de lui donner des laits artificiels. Puis le jour où elle voudra arrêter, l’enfant basculera sur des laits artificiels. Il faut éviter un peu les mélanges. Côté prévention, on sait qu’il faut un peu adapter l’alimentation et éviter tout ce qui est ultratransformé et va détruire ou limiter le microbiote.

Et une fois l’allergie alimentaire déclenchée, que peut-on faire ?

La première chose, c’est consulter un allergologue pour faire un point. Car comme on peut être allergique à différents types de protéines, il va y avoir des critères de sévérité en fonction de la protéine à laquelle on est allergique. La démarche va donc être différente selon les résultats.

On va surtout pouvoir mettre en place, dès que possible, une induction de tolérance orale, qui est une immunothérapie. Cette technique est similaire à la désensibilisation au pollen. On va ainsi prendre un petit peu de l’aliment qu’on va redonner en quantité très faible pour réhabituer le corps. Ces choses se mettent en place sous surveillance, en milieu hospitalier dans la majorité des cas. Cela permet, finalement, une guérison plus rapide ou de protéger l’enfant et l’adulte en cas d’allergie sévère.

Ce contenu audio a été diffusé le 25 juillet 2024 sur AirZen Radio. Maintenant disponible en podcast sur airzen.fr, notre application et toutes les plateformes de streaming.

Par Jennifer Biabatantou

Journaliste

Agence de communication Perpignan