Décarboner l’économie française. C’est toute l’ambition de la Bpifrance. La Banque publique d’investissement, qui accompagne et finance les PME et entreprises de taille intermédiaire vers cette transition, a lancé un premier Plan climat. Celui-ci est inspiré de l’Accord de Paris, un traité juridique international sur le réchauffement climatique entré en vigueur le 4 novembre 2016. Anaïs Gros, coordinatrice du Plan Climat à la Bpifrance, répond à nos questions
AirZen Radio. Anaïs Gros, vous êtes coordinatrice du Plan climat à la Bpifrance. En quoi cela consiste ?
Anaïs Gros. Le Plan climat a été réfléchi en 2019 et on l’a vraiment lancé en 2021. On avait des moyens financiers pour accompagner les entreprises, pour des missions de conseil sur toutes les thématiques. Et il fallait, qu’au travers de toutes ces thématiques, on ajoute cet accompagnement pour la mise en transition de nos entreprises.
On a donc déployé 20 milliards d’euros pour ce premier Plan climat, en 2021, qui s’est terminé en décembre 2023. Il repose sur différents piliers.1/ la mise en transition de nos entreprises. 2/ le soutien à l’innovation des greentech et faire émerger beaucoup d’innovations autour de cette thématique environnementale. 3/ le financement des énergies renouvelables en France. C’est vraiment ces trois piliers du Plan climat qui viennent s’imbriquer dans chaque métier de Bpifrance.
À travers ce Plan climat, finalement, vous aidez aussi bien les entreprises, la greentech, que celles qui ont besoin d’un accompagnement vers cette transition ?
Tout à fait. L’objectif du Plan climat, c’est de partir du principe que cette thématique est large, complexe et qu’il ne faut qu’aucune entreprise ne reste sur le côté. On accompagne donc des modèles d’affaires historiques bien implantés. Comme des entreprises du transport ou du bâtiment, qui sont sur des secteurs d’activité complexe à décarboner. On les aide à se mettre en transition. Mais également la nouvelle start-up innovante, qui va, finalement, tout de suite concevoir son modèle d’affaires sur la base de la décarbonation. Et il y a un modèle vertueux. On veut vraiment accompagner toutes les typologies.
Comment accompagnez-vous, aidez-vous, ces entreprises vers la décarbonation ?
Alors, on les aide de plusieurs façons. Tout d’abord, avec chacun de nos clients, quand on les finance. On challenge leur modèle. On passe vraiment du temps, notamment au travers d’échanges de maturité climat, pendant une heure, sur les risques environnementaux que comporte leur secteur d’activité. Comment elle impacte l’environnement ? À la fin de cet échange de maturité climat et de cette photo qu’on fait sur les enjeux, ils ont des enjeux business pour gagner des parts de marché,. Mais aussi des enjeux aussi pour se prémunir de risques. On leur pousse alors des dispositifs qu’on a créés dans ce Plan climat.
Lesquels ?
Ces dispositifs sont soit des financements vraiment dédiés à la mise en transition. Des prêts qui sont donc sans garantie, qui ont un peu plus de flexibilité sur la durée, parce qu’ils sont vertueux et que la transition nécessite un peu plus de temps pour amortir son financement. Puis, il y a notre gamme d’accompagnement. Ce sont alors des missions de conseil. On fait venir des bureaux d’études dans les entreprises. On n’en avait plus de 3500 en 2023. Là, les bureaux d’études travaillent sur une thématique qu’on décide. Soit sur le sujet, énergie et flux, donc « eau-matières-déchets ». Ou sur le sujet du bilan carbone parce qu’on a besoin de prendre de la hauteur. Soit sur l’écoconception. On a plusieurs gammes de missions de conseil vraiment dédiées à ça. Et là, on les accompagne concrètement à se mettre en action.
Étant donné la diversité de secteurs et d’entreprises, je suppose que l’accompagnement n’est pas le même ?
Absolument. En fait, sur les missions, notamment de conseil, on va avoir une mission packagée. C’est-à-dire que si on veut travailler sur l’écoconception dans une entreprise de peinture ou du numérique, ce n’est pas la même chose. On a donc agréé un certain nombre de consultants externes selon leurs spécificités et leurs compétences. Selon ce que notre entreprise recherche, on la met donc en lien avec ce bureau d’études qui va faire cette mission. Et, derrière, on la subventionne. C’est l’incitation financière avec l’ADEME (l’Agence de la transition écologique).
Cela permet aux petites et moyennes entreprises de se lancer en se disant : je me fais accompagner, je fais confiance à Bpifrance sur l’agrément et sur l’expert qui va être en face de moi. Et, derrière, j’ai surtout une incitation financière. Je suis subventionnée à 40, 50, 60 % selon les missions. Ça me coûte donc moins cher.
Est-ce que les entreprises sont informées des différents dispositifs qui existent ?
Je pense qu’aujourd’hui les entreprises méconnaissent parfois certains dispositifs. Parce qu’il en existe beaucoup. C’est donc compliqué pour elles de s’y retrouver. Et elles n’ont pas forcément le temps. Nos cibles, ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont une équipe à gérer au quotidien, et beaucoup de contraintes, plutôt macro. Les entrepreneurs n’ont en effet pas forcément le temps de se pencher sur ces thématiques et de regarder en détail. C’est pour ça que notre rôle, c’est vraiment de faire connaître ce qui existe.
Selon vous, pourquoi les PME ont un rôle à jouer en ce qui concerne les enjeux environnementaux ?
On est convaincu qu’elles ont un vrai rôle à jouer, pas uniquement les grands groupes. C’est pour ça qu’on veut les embarquer. Selon nous, une entreprise qui se met en transition aujourd’hui sera plus pérenne demain, parce qu’elle aura identifié et cartographié les risques. Je suis dans l’industrie, j’ai des risques d’approvisionnement ou de ressources. Si je ne les identifie pas, ce sont des risques environnementaux et physiques. Ça aura donc des incidences sur ma chaîne de production et mes résultats, le chiffre d’affaires, les financeurs et l’emploi. Pour nous, la transition énergétique, environnementale, est un vrai sujet. C’est un sujet de résilience économique et de pérennité dans le temps. Ensuite, il y a la marque employeur, d’image, d’importante chances d’avoir vraiment une main. Il y a donc vraiment ces deux enjeux.
Y a-t-il des secteurs qui s’emparent un peu plus des sujets environnementaux ?
Oui, il y a des secteurs d’activité qui sont notamment soumis à beaucoup de règlementations. Qui ont donc forcément pris le sujet à bras-le-corps, il y a un peu plus longtemps, un peu plus par contrainte. C’est le cas du secteur du bâtiment ou du transport. Ce sont des secteurs qui avancent vite et qu’on a vraiment envie d’aider parce que la transition est compliquée. Mais, globalement, on voit que, dans tous les secteurs d’activité, il y a une prise en compte des secteurs qui sont plus ou moins exposés, donc qui vont plus ou moins vite.
Jusqu’à présent, combien de PME avez-vous pu accompagner ?
On a accompagné 3 700 entreprises via des missions de conseils, entre 2021 et 2023, sur le sujet climat. On a aussi fait plus de 2,5 milliards de prêts divers pour financer des projets de transition et sur les aides à l’innovation pour les sociétés innovantes. Sur le sujet “green”, 2 milliards d’aides à l’innovation ont été octroyées entre 2021 et 2023. On a fini, un an avant l’échéance de ce premier Plan climat. Du coup, on en a un nouveau 2024-2028 qui est tout aussi ambitieux, qui va sortir prochainement, et reste toujours sur les mêmes piliers. Ça montre vraiment la dynamique. Ce plan climat ne s’arrête pas, il continue et il va même plus vite que prévu.