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Quelles sont les attentes des jeunes en matière d’éducation sexuelle ?

Dans son 4ᵉ baromètre de l’éducation, la fondation Apprentis d’Auteuil s’intéresse aux vies affectives, sexuelles et relationnelles des 16-20 ans. On fait le point avec Éliane Nguyen, spécialiste de l'éducation à la relation et de la prévention de la violence chez Apprentis d'Auteuil.
Des jeunes sourient et sont allongés par terre
© Simi Iluyomade/Unsplash
Journaliste

En octobre dernier, les Apprentis d’Auteuil*, une Fondation catholique reconnue d’utilité publique, a publié son dernier baromètre de l’éducation. Il a été mené par un institut de sondage, qui s’est intéressé à un panel représentatif de 2 000 jeunes âgés de 16 à 20 ans. L’objectif était de dresser un état des lieux des vies affectives, relationnelles et sexuelles des jeunes et de comprendre leurs besoins. Avec Éliane Nguyen, coordinatrice de l’éducation à la relation et de la prévention de la violence chez Apprentis d’Auteuil, nous abordons les éléments à retenir de cette étude.

Dans quel contexte avez-vous souhaité réaliser ce baromètre de l’éducation ? Et pourquoi sur cette thématique ?

Chaque année, nous choisissons un sujet sur lequel nous sommes particulièrement impliqués. Nous avons des choses à dire, notamment en portant la parole des jeunes dans le débat public et en partageant notre expérience éducative. Cette année, on a choisi de travailler sur l’éducation affective, relationnelle et sexuelle. C’est un sujet qu’on porte depuis plus de quinze ans chez les Apprentis d’Auteuil. On accompagne les jeunes sur ces sujets-là, ce qui est en lien avec notre projet éducatif. On éduque, on forme et on insère 40 000 jeunes et 8 000 familles en France et sur les territoires d’outre-mer. Pour nous, il ne s’agit pas seulement d’éduquer à un métier, mais d’aider les personnes à s’épanouir dans leur vie personnelle.

Quels sont les éléments qui ont attiré votre attention dans cette étude ?

Il y a de nombreux jeunes qui plébiscitent l’éducation affective, relationnelle et sexuelle (EARS). Ce dispositif éducatif est obligatoire depuis 2001 pour tous les jeunes du CP à la terminale, trois fois par an. Et pourtant, ces sessions, n’ont pas lieu. En tout cas, elles n’ont pas lieu à la hauteur de ce qu’elles devraient être. On voit qu’au lieu d’avoir 36 séances dont trois par ans, les personnes sondées n’en ont que trois. Or, eux, ces jeunes ont envie d’avoir des séances EARS. Ils ont besoin de parler d’estime de soi, de confiance, de stéréotypes, de genre, d’intimité sur les réseaux sociaux. Il y a énormément de questions à aborder, trois séances ne suffisent pas. Ça, c’est une chose qui nous semble importante à retenir de notre étude. Une autre chose, c’est qu’il y a encore aujourd’hui beaucoup de violences sexuelles et sexistes qui sont subies par nos jeunes : ils sont en effet 37 % à le déclarer.

Un autre fait marquant dans ce baromètre de l’éducation, c’est la consommation de pornographie très jeune.

Oui absolument. Un jeune sur trois a déjà vu du porno avant l’âge de douze ans. On remarque que plus de 60 % des garçons et 40 % des filles qu’on a interrogés regardent du porno au moins une fois tous les deux ou trois mois. Ce n’est vraiment pas un sujet marginal. C’est quelque chose qui est constitutif en fait de leurs pratiques, de leur vie affective, relationnelle et sexuelle. Et ça construit leur imaginaire sexuel. On constate le rôle de la pornographie dans les représentations de nos jeunes, notamment lorsqu’il y a une exposition précoce. Certains jeunes adoptent par exemple des idées assez non consenties et violentes sur la sexualité, en raison de cette exposition. Par ailleurs, ils vont nous dire qu’ils savent que la pornographie est de la fiction. Mais on voit, à travers notre étude, que 42 % des garçons et 29 % des filles consomment de la pornographie pour s’informer sur la sexualité.

Est-ce que le fait d’avoir plus de séances d’éducation affective, relationnelle et sexuelle peut faire baisser ces statistiques ?

Notre vision des choses est la suivante : les jeunes sont curieux en matière de sexualité et c’est tout à fait normal à leur âge. Si on n’est pas là pour répondre à leurs questions sur l’amour et la sexualité, ils se tourneront vers d’autres sources d’informations dont les réseaux sociaux et la pornographie. Mais celles-ci ne vont pas forcément offrir une information fiable et objective, ni leur permettre de réfléchir.

Y a-t-il un élément en particulier qui a attiré votre attention dans cette étude ?

Ce que j’ai trouvé d’intéressant, c’est que la majorité des jeunes considèrent encore aujourd’hui qu’une relation amoureuse est épanouissante lorsqu’elle repose sur la fidélité et sur la confiance. On pourrait penser que les jeunes ont une vision cynique de l’amour, qu’ils n’y pensent pas. Mais en fait, c’est vraiment au cœur de leurs préoccupations. Et ils nous disent que la confiance est un pilier de la relation amoureuse. C’est un levier pour pouvoir construire après, selon eux. Mais il y a d’autres choses qui peuvent être plus problématiques, comme le fait de penser que la jalousie est une preuve d’amour, ou alors des expériences amoureuses avec des comportements contrôlants.

Qu’allez-vous faire de toutes ces informations ? Allez-vous mettre des choses en place ?

On va s’en servir pour sensibiliser en interne sur les questions d’éducation affective, relationnelle, sexuelle, pour montrer l’urgence de se saisir à bras-le-corps de ce sujet d’ampleur. Parce que, nous aussi, nous rencontrons des difficultés pour trouver des professionnels qui veulent s’engager sur ce sujet-là. En effet, ça touche l’intime et peut être tabou. Ce n’est pas facile à porter et ça nécessite que les professionnels se forment. Donc, nous avons aussi besoin de sensibiliser en interne nos professionnels, de les mobiliser. Et je crois que le baromètre de l’éducation est quelque chose qui peut permettre cette prise de conscience.

*La Fondation les Apprentis d’Auteuil s’engage auprès des jeunes et des familles qui rencontrent des difficultés au quotidien. Elle propose des dispositifs d’accueil, d’éducation, de formation et d’insertion en France et à l’étranger. 

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