Paul El Kharrat, qui a remporté 152 fois “Les 12 coups de midi”, l’émission culte de TF1, se confie dans un ouvrage intime, pédagogique et souvent drôle. Un livre baptisé “Bienvenue dans mon monde – Moi, Paul, autiste asperger”, publié aux éditions Harper Collins.
Celui qui a touché du doigt la notoriété raconte l’errance diagnostique, jusqu’à ce jour de février 2015 où il apprend qu’il est autiste asperger. « Enfin un mot et pas quarante pour définir ce que je suis », se dit-il. Il a accepté de partager son histoire et ses réflexions avec nous.
AirZen Radio. Votre livre s’intitule “Bienvenue dans mon monde”. Bienvenue dans le nôtre, alors, celui d’AirZen. Que vous évoque une radio, un média positif ?
Paul El Kharrat. (rires) Cela m’évoque un média qui ne voit pas le mal partout, qui ne juge pas ou ne critique pas gratuitement, qui est dans l’acceptation des individus dans leur globalité. Qui met du baume au cœur aussi et transmet des ondes rassurantes ! Un certain calme, un apaisement, une sorte de méditation et d’introspection.
Le mot est intéressant. « Introspection » ! C’est ce que vous faites dans votre livre, vous racontez le « Paul des coulisses ». Car celui que l’on voit à la télé n’est pas vraiment vous. Vous parlez notamment de votre mémoire, vous êtes hypermnésique…
C’est une capacité à se souvenir de tout un tas de chose avec précision. Que j’ai lu ou vécu, dans une somme importante de détails. J’imagine ma mémoire comme une immense bibliothèque, comme celle de Prague, où il y a de vastes ouvrages rangés par thème. Et, quand on ouvre ces tiroirs, il y a d’autres tiroirs qui alimentent mon savoir. C’est génial, parce que ça me permet de me cultiver et d’en apprendre chaque jour davantage.
Vous dites aussi que cela peut être un fardeau ?
Oui, c’est éreintant quand on est face à des choses négatives ou noires. Et qu’on aimerait tout simplement oublier. On est tous en capacité de le faire, mais l’autisme asperger m’empêche de le faire le plus souvent. Il y a plus de positif dans ma tête quand même, mais il y a une sorte de tache d’huile qui reste. Évidemment, je ne peux pas être le porte-parole de l’autisme, je parle en mon nom.
Dans “Les 12 coups de midi”, on vous surnommait « WikiPaul » et vous écrivez que vous n’appreniez rien par cœur, que vous reteniez simplement…
Oui, pour moi apprendre par cœur c’est faire un effort. Et moi, je n’en fais pas vraiment. Ça s’imprime littéralement quand je me mets à lire un article ou un ouvrage.
Et quel est votre plus beau souvenir, alors ?
J’en ai deux ! Celui où j’ai enfin décroché mon baccalauréat. Je sortais d’une période assez difficile et dépressive, alors j’ai été extrêmement soulagé et content. Et puis, aussi, la fois, dans l’émission, où j’ai fait la connaissance de Mireille Mathieu. Une star internationale, qui décide de sortir de l’ombre pour vous rencontrer, ça fait chaud au cœur.
C’est marrant, vous écrivez dans votre livre, et vous venez de le faire à l’instant, que vous êtes quelqu’un de « content » et non pas d’« heureux » ?
Oui, c’est un mot que j’utilise avec beaucoup de dosage, de parcimonie. Je dis que « j’aime bien » aussi, pas que « j’aime ».
Votre livre, c’est une façon de vous raconter maintenant que les gens vous connaissent. L’objectif est qu’ils vous comprennent aussi ?
Oui, c’est un livre universel, à l’attention des neurotypiques et de ceux qui sont sur le spectre autistique, pour essayer un tant soit peu de saisir les tenants et aboutissants de ce syndrome. L’idée, c’est aussi de laisser une marque. Je lutte en permanence contre l’oubli. Ma plus grande peur serait de perdre ma mémoire.
Cela existe pour vous la normalité ?
Non, je n’y crois pas. Il y a beaucoup de personnes qui se sont mises d’accord au fil du temps pour que la manière qu’elles ont d’agir ou de penser soit représentative de la totalité. Mais non, il n’y a pas une seule manière d’agir, de faire ou de parler. Moi, je suis « différent », simplement parce que je n’entre pas dans cette case. Or, c’est juste que je ne fonctionne pas de la même manière. Donc, au final, une normalité n’existe pas.
Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans le monde ?
(rires) J’ai tellement envie de changer plein de choses, que je ne sais pas par quoi commencer. Une meilleure acceptation de la différence, une critique constructive et positive. Que les gens cessent de se faire la guerre. J’imagine un monde utopique, un phalanstère où tout le monde vivrait heureux, aurait sa place, tout le monde aurait une position égalitaire, où il n’y aurait même pas d’argent ni de frontière. On se met à rêver, voilà.
“Bienvenue dans mon monde“, de Paul El Kharrat, éditions Harper Collins, 18 €.