Laurence Cottet a 61 ans. Elle est une ancienne malade alcoolique. La fondatrice de l’association Janvier Sobre est aussi l’autrice du livre « Non, j’ai arrêté », paru aux éditions Dunod. Dans ce manuel bienveillant et positif, elle raconte comment elle s’est relevée de sa maladie. Et elle s’adresse aussi à celles et ceux qui ont ou qui peuvent basculer dans la zone rouge. Selon elle, une vie après l’alcool est possible et même heureuse. Interview.
AirZen Radio. Quel est votre histoire avec l’alcoolisme ?
Laurence Cottet. J’ai été malade alcoolique pendant une quinzaine d’années et j’en ai beaucoup souffert. J’ai mis du temps à oser en parler car je ne savais pas que c’était une maladie. Je me suis longtemps cachée avec mon problème d’alcool. Du moment où j’ai enclenché des soins pour en sortir, j’ai commencé à en parler en mon nom propre. C’est pour cela que j’ai écrit ce livre et que j’ai témoigné. J’ai été stupéfaite de voir des réactions si positives.
Selon Santé publique France, l’alcool est responsable de 41 000 décès évitables par an. Une consommation à outrance peut faire tomber dans l’alcoolisme, mais aussi entraîner d’autres problèmes de santé graves. Quand vous en êtes-vous rendu compte ?
La question est plutôt de savoir quand est-ce que j’ai quitté la « zone grise » pour basculer dans la « zone rouge ». D’abord, parce que j’étais habituée à boire souvent, en soirée, par exemple. Et beaucoup. J’étais déjà régulièrement dans l’excès, donc dans la zone grise. J’ai ensuite transformé, en l’espace d’un an, ces mauvaises habitudes en habitudes de vie. Jusqu’au jour où je me suis rendu compte que j’organisais mon quotidien, ma vie personnelle et mon travail en fonction de l’alcool. Pour éviter d’être en situation de manque.
Là, j’ai réalisé que j’avais basculé dans l’addiction, dans l’alcool comme un psychotrope. Je ne contrôlais plus rien, cela devenait une obsession. Selon moi, en plus de la consommation à outrance, c’est cette obsession-là qui caractérise la maladie.
Le sous-titre de l’ouvrage est « Oui, une vie après l’alcool est possible »… Êtes-vous heureuse, aujourd’hui ?
Je ne l’ai jamais autant été. À 61 ans, pouvoir dire – malgré toutes les épreuves que j’ai traversées, malgré la maladie – que je suis bien physiquement, bien dans ce que je suis, bien dans ce que je fais. Et cela, c’est précieux ! Parfois, j’ai l’impression d’être une miraculée. Cela a demandé beaucoup de travail de psychothérapie, évidemment.
Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de cet alcool pour être bien. Surtout depuis que j’ai décidé de consacrer ma vie à cette cause de santé publique.
Est-ce qu’aujourd’hui, il arrive que l’alcool vous manque ?
Effectivement, l’abstinence ce n’est pas facile tous les jours. Il peut y avoir des épisodes de « craving ». C’est un mot anglais qui signifie une envie irrépressible de consommer, et ce, même après des années d’abstinence. Moi, si ça m’arrive, je mets mes chaussures et je vais marcher pendant 15 minutes. J’évacue.
Cela marche pour moi, mais, pour d’autres, cela peut être d’appeler un proche qui nous connaît bien. Et il peut suffire d’une discussion pour se rappeler à quel point on est heureux d’être abstinent.
Si on connaît quelqu’un qui peut être malade alcoolique, comment l’aborder ?
Il est important de dédramatiser la chose, de ne pas être dans une approche culpabilisante. Il faut surtout attendre le bon moment et parler avec son cœur. On doit faire comprendre à la personne qui souffre qu’elle souffre d’une maladie. On doit éviter au maximum d’utiliser le mot « alcoolique ». Il a une connotation péjorative.
Il faut aussi comprendre que dire à quelqu’un « plus d’alcool », c’est très violent, ça entraîne de la peur. L’idéal, aussi, c’est d’amener la personne à parler avec un ancien malade alcoolique rétabli.
Quel est le message derrière votre livre ?
Il y en a trois. D’abord, vous n’êtes pas seul. Il y en a d’autres qui sont passés par là et qui s’en sont relevés. Ensuite, n’ayez pas honte. Enfin, parlez-en avec vos proches. Les associations d’aide aux malades alcooliques font un travail d’accompagnement merveilleux. Tout le travail d’entraide effectué par les bénévoles donne d’excellents résultats. Ne désespérez jamais. Souvent, on rechute après l’abstinence, mais ce sont des choses qui arrivent.
Pour qu’on soit bien clair : la maladie alcoolique, la seule solution, c’est l’abstinence…
Oui. L’abstinence complète. Quand vous avez 25 ans et que vous devez passer une vie entière à vous abstenir, c’est très difficile. Mais il faut tenir. D’où l’importance de la prévention et de se poser la question de sa consommation d’alcool.