L’entretien avec un psychologue, pour un enfant victime de violences, c’est le début du parcours judiciaire, mais c’est aussi là que commence la reconstruction. “Avant, lorsque les familles arrivaient et qu’on leur demandait de nous suivre, ça se passait bien, mais il y avait toujours une petite appréhension. Aujourd’hui, on voit les visages s’illuminer à la vue de Ravel. Ça a tout changé”, raconte Emilie Morançais, psychologue à l’unité médico-judiciaire de l’hôpital Mémorial de Saint-Lô dans la Manche, référente de Ravel, qui l’assiste ainsi que sa collègue Béatrice Auvray.
L’une de leurs missions principales est l’assistance aux enquêteurs, policiers comme gendarmes, pour les auditions de mineurs victimes de violences, dans une salle aménagée par la Voix de l’enfant. “On fait en sorte que cette rencontre soit le moins difficile possible pour l’enfant. Le but est de le mettre en confiance.” Et parmi la palette d’outils dont les psychologues disposent, aujourd’hui, il y a aussi Ravel.
Un chien très calme
Le labrador de 2 ans a déjà reçu une longue formation pour son jeune âge. D’abord comme chien d’assistance à personne à mobilité réduite, puis orienté, six mois avant le début de son intervention, vers l’assistance judiciaire. Une idée qui vient d’Outre-Atlantique, où ils sont des centaines, déjà, à occuper cette fonction.
En France, ils sont une demi-douzaine, dont deux en unité médico-judiciaire. “Ce n’est pas tant que Ravel aimait spécialement les enfants, explique Emilie Morançais. Mais il est nonchalant, ce qu’on appelle aux États-Unis un chien anormalement calme. Il aime bien rester près de l’humain, des heures couché à se faire papouiller. C’est son tempérament qui a fait que Ravel a pu aller vers cette mission.”
Une rencontre positive
Un accueil facilité par une sensibilisation à la présence animale, que ce soit à l’hôpital grâce à un ancien directeur qui a été famille d’accueil pour Handi’chien et un agent malvoyant assisté d’un compagnon à quatre pattes, mais aussi une juge d’instruction entourée de ses chiens dans son bureau du tribunal judiciaire, avec laquelle Emilie Morançais et Béatrice Auvray ont un contact privilégié via leur activité.
Un travail qui paie : “Pendant l’entretien, lorsque l’enfant est traversé par une émotion, parfois c’est perceptible, mais parfois c’est plus subtil. À ce moment-là, on perçoit bien que Ravel se colle plus fortement contre lui, qu’il est en train de le soutenir, s’émerveille Emilie Morançais. Avant Ravel, les enfants se trituraient beaucoup les mains, un élastique de cheveu, une manche de gilet. On pouvait lire leur anxiété. Là, on les voit caresser le chien, jouer avec ses oreilles. J’ai la sensation que d’un point de vue corporel, c’est moins stressant, l’enfant est moins agité.”
“Là où on voit qu’on a gagné, c’est que les enfants continuent de parler de Ravel bien après, quand les enquêteurs les rappellent, on n’a pas renforcé ni créé de nouveaux traumatismes. La trace de cette rencontre, qui est la première étape dans la procédure judiciaire pour l’enfant, reste un souvenir positif.”