“Tu sais où sont passées mes lunettes ?!” Voilà sans doute la phrase que prononcent le plus les personnes myopes ou astigmates. Les lunettes on les achète, on les aime, on les porte, on les perd, on les change. Si bien qu’aujourd’hui, on estime que 110 millions le nombre de pairs de lunettes dorment dans nos tiroirs en France. Pourtant, nous n’avons jamais acheté autant de lunettes : 36 000 paires sont vendues chaque jour dans le pays.
Selon le dernier panorama du marché d’Arcane Research, quatre porteurs de lunettes sur dix se disent prêts à s’équiper de montures d’occasion lors d’un prochain achat. Forte de ce constat, une équipe de jeunes entrepreneurs a lancé une boutique de lunettes reconditionnées à Lille. ZAC est ainsi une start-up qui collecte, reconditionne et remet sur le marché les lunettes, pour apporter une solution durable à la surconsommation dans le monde de l’optique.
Est-ce que les lunettes polluent ?
Comme la plupart de ce que nous consommons, les lunettes polluent. “Ce n’est pas tant les lunettes en tant que déchet le problème. C’est plutôt le coût environnemental de production qu’il faut regarde, explique Antoine, l’un des deux cofondateurs de la marque. Le produit a fait le tour du monde avant d’arriver chez l’opticien. C’est du métal, du silicone et deux verres. On utilise entre 10 et 15 litres d’eau pour produire une seule paire. C’est énorme pour un si petit objet. Alors moins on produit, plus on réutilise, mieux c’est pour l’environnement.”
Comment collecter les pairs ? Des boîtes sont disposées dans des lieux courants – des écoles, entreprises – pour récolter un maximum de montures. Les clients qui déposent leurs vieilles paires en boutique sont aussi crédités d’une réduction pour un prochain achat. “Comme une sorte de consigne”, précise Antoine.
Les dons sont ensuite triés. Les 30% pouvant être remis sur le marché sont reconditionnés chez AlterEos (à Tourcoing), une entreprise adaptée qui emploie des personnes en situation de handicap. Les lunettes sont réparées et nettoyées pour être vendues en magasin dans le Vieux-Lille. Enfin, des opticiens montent des verres à la vue (ou non) sur ces montures de seconde main. Un modèle d’économie circulaire d’autant plus complet que lesdits verres sont fabriqués en France, directement dans les Hauts-de-France.
La seconde main pour les yeux, ça marche ?
Pour les deux associés fondateurs de la marque, Ophélie et Antoine, il n’y a pas de doutes. “Au début, les clients peuvent être un peu sceptiques. Mais quand ils les essayent, ils changent d’avis. Nous récoltons des lunettes de très grandes marques. Celles que nous commercialisons sont bichonnées et en très bon état. On ne dirait même pas qu’il s’agit de lunettes reconditionnées”, explique-t-il.
Par ailleurs, Antoine a la conviction que le marché de la seconde mais – au-delà de son impact environnemental et social moindre – a de l’avenir devant lui. Et cela se vérifie par les chiffres. Celui-ci était 30 milliards de dollars en 2022. Il croît de 15 % par an. En 2028, il dépassera celui de la fast-fashion, selon une étude BCG.
Pour ce qui est du prix des lunettes, le magasin lillois reste abordable : entre 39 et 99 euros la paire. “Nous avons souhaité rester en dessous des 100 euros puisque c’est le montant moyen de remboursement des mutuelles.”
Depuis 2020, plus de 65 000 lunettes ont été collectées pour vivre une nouvelle vie. L’entreprise va même au bout de la démarche. Des machines de seconde main branchées en circuit fermé sont ainsi utilisées pour économiser l’eau. La marque opte également pour des montures sans calibre pour éviter le plastique à usage unique, des boîtes de collecte en carton réutilisable.