Une bougie de plus pour le Réseau des Écoles de la 2ᵉ Chance (E2C). L’association fête cette année ses 20 ans. La structure accueille des jeunes de 16 à 29 ans en décrochage scolaire, sans diplôme et/ou éloignés de l’emploi, et les accompagne dans la réalisation de leur projet professionnel. À l’origine de ce concept et de son développement sur le territoire et en Europe : Édith Cresson, ancien Premier ministre. Quel bilan tirer de ces deux décennies ? Quels sont les projets, les axes d’amélioration ? On fait le point avec Alexandre Schajer, président du Réseau des Écoles de la 2ᵉ Chance France.
AirZen Radio. Comment décririez-vous la mécanique de l’association ?
Alexandre Schajer. Notre mission principale est d’accueillir des jeunes de 16 à 29 ans, voire parfois un peu plus, pour reconstruire avec eux un cheminement. Celui-ci prévoit le développement de leur autonomie pour intégrer une nouvelle vie, une vie sociale, une vie citoyenne et surtout une vie professionnelle, si possible durable.
Il s’agit de jeunes sans qualification et sans emploi. Déjà dans les années 2000, il y avait environ 150 000 jeunes par an qui sortaient du système éducatif sans qualification. Et il y avait un stock de l’ordre de 700 000 jeunes sans emploi et sans qualification. Aujourd’hui, le chiffre de ceux qui sortent du système éducatif est de 90 000. Et on pense qu’il y en a approximativement 400 à 500 000 aujourd’hui sans qualification et sans emploi. Il s’agit donc de ceux-là que nous accueillons pour les réintégrer dans un parcours de construction de compétences.
Sur quelles bases est bâtie l’association ?
Elle repose sur deux piliers forts. Le premier, c’est que nous ne visons pas l’obtention d’un diplôme, nous accréditons des compétences. On est un peu en dehors des schémas scolaires classiques. C’était très novateur en 1995. Et le 2ᵉ pilier, c’est avec l’entreprise. En effet, c’est avec cette alternance dans l’entreprise qu’on prépare le projet professionnel du jeune et sa future insertion dans l’entreprise. Il y a donc ces deux grands piliers : l’accréditation des compétences et le travail en partenariat.
Depuis la création de la structure, plus de 152 000 personnes ont été aidées. Et 159 écoles ont été ouvertes en France hexagonale et ultramarine. Quel bilan pourriez-vous tirer ?
C’est facile de faire un bilan quantitatif parce qu’on sait combien de jeunes sont entrés chaque année. 62% d’entre eux trouvent dans l’année une nouvelle formation plus qualifiante ou un emploi. En revanche, nous n’avons malheureusement pas de chiffres réels de ce qu’ils deviennent, 3 à 5 ans après la sortie. Ce qui serait en effet un meilleur chiffrage et permettrait de savoir s’il est inséré de façon durable dans la société. Est-il intégré dans le monde professionnel ? Cependant, même si on n’a pas ce chiffre exact, quand on voit ceux je vous ai cités, avec la baisse du nombre de jeunes sans emploi et sans qualification aujourd’hui, on est très content. On a fait partie de cette dynamique. Bien sûr, on n’est pas tout seul. Chacun a fait son effort.
En 20 ans, vous avez pu être spectateur des changements dans le milieu du travail. Quelles sont les évolutions les plus marquantes ?
D’abord, beaucoup de choses ont changé en 20 ans. L’écosystème de l’insertion et de la formation professionnelle est en profonde mutation. Mais il y a quand même trois faits marquants :
- La complexité du public. Comme il y a moins de publics concernés, s’ils étaient 700 000, il y a 20 ans, ils ne sont plus que 400 000 ou 500 000 aujourd’hui. Ce sont principalement ceux qui ont des problèmes sociaux et comportementaux qui sont avec nous maintenant.
- Puis, les compétences sont davantage prises en compte aussi bien dans les programmes éducatifs que par les acteurs des ressources humaines, dans les entreprises.
- Enfin, l’importance du digital, qui nous a fortement questionnés pendant la crise du Covid. L’importance du digital dans les outils de formation et d’information a également beaucoup changé. Durant 4-5 ans, on a travaillé à redéfinir notre approche pédagogique par les compétences, et nos référentiels autour des compétences. Puis, on a créé dans le même temps des parcours spécialisés, notamment avec un projet Up’2C, qui intègre un Serious Game éducatif sur les compétences, qui s’appelle Horizon, et qui intègre aussi un certain nombre d’outils pédagogiques,
Et puis, plus récemment, on a travaillé à mettre en place un kit des compétences psychosociales pour que nos enseignants puissent prendre en compte les difficultés de nos publics.
Quels sont vos projets pour l’avenir, vos espérances pour le Réseau E2C ?
Tout d’abord, développer le réseau. Aujourd’hui, 159 villes disposent d’une école, mais nous ne sommes présents que dans 68 départements. On considère qu’il nous manque entre 50 et 70 écoles. Selon nous, le maillage territorial est très important, parce qu’aujourd’hui, nous n’offrons pas la même égalité des chances à tous les jeunes. Puis, ça soulève évidemment des interrogations sur les évolutions de financements futurs. Des interrogations auxquelles nous répondons en disant qu’un parcours E2C n’est pas si onéreux puisqu’il est de l’ordre de 6 000 euros par an. Plus les indemnités de 500 euros par mois, décidées par l’Etat, qui sont données aux jeunes qui sont en formation professionnelle. Mais nous considérons que le coût de ce dispositif vaut largement par rapport au coût, pour la société, d’un jeune sans emploi et sans travail pendant des années.