« Depuis toujours, l’homme est lié à la glace. » Voilà ce qui est écrit en prologue du livre “Sentinelle du climat”, publié aux éditions Harper Collins et signé Heïdi Sevestre. Glaciologue, membre internationale du Club des explorateurs, elle est détentrice de la première médaille Shackleton pour la protection des régions polaires.
Cette amoureuse de la nature est née dans la neige des Alpes. À 17 ans à peine, elle participe à une expédition d’alpinisme et réalise alors ce que sera son destin : étudier les glaciers. Après des études à Lyon, Oslo puis à Svalbard – l’université la plus au nord du monde -, elle devient glaciologue.
Heïdi Sevestre : la passion de la glace
Mais son objet d’étude périclite sous ses yeux. Les glaciers fondent. Non pas en 10 000 ans, ni en 1 000 ans. Mais selon un rythme biologique, celui d’une vie, d’une génération même. Elle met alors un point d’honneur à sauver ces géants de glace. Rencontre.
AirZen Radio. En quoi les glaciers sont-ils les sentinelles du climat ?
Heïdi Sevestre. Ils le sont complètement. Ce sont les meilleurs baromètres du climat. On ne voit pas la concentration en CO2 augmenter dans l’atmosphère. Par contre, on voit les glaciers fondre. Ils ont énormément de choses à nous dire. Ils renferment aussi les archives de notre climat, notre passé, notre présent et notre futur.
Vous êtes née en 1988, dans les Alpes. La neige et la glace, ça vous connaît...
Oui, j’ai un peu suivi l’histoire d’Heïdi, petite fille des montagnes ! Je suis née à Annecy. Quand je repense à mon enfance, c’était merveilleux toutes ces prairies, ces forêts, ces montagnes. Cela m’a fait apprécier à quel point cette nature est merveilleuse, parfaite. Mais aussi à quel point elle est puissante. C’est assez addictif.
En quoi consiste le métier de glaciologue ?
C’est un peu comme être le docteur des glaciers. Ils sont nos patients et ils sont très malades aujourd’hui. On essaye de faire un bilan, de savoir quelle est leur température, d’étudier leurs mouvements car ils bougent… En étudiant des glaciers, on essaye de comprendre ce qui va arriver à nos réserves en eau douce dans la mesure où ils sont des châteaux d’eau naturels.
Et quel est le diagnostic, docteure ?
Les glaciers n’évoluent plus selon une horloge géologique, ni même historique. Ils réagissent désormais, du fait des activités humaines très polluantes, selon une horloge humaine. C’est le temps d’une vie. Moi, je m’attache beaucoup aux glaciers que j’étudie. Ils sont presque comme des membres de ma famille. Certaines choses qu’on imaginait voir dans 70 ou 80 ans sont en fait en train de se passer maintenant.
Raison pour laquelle il faut se battre avec enthousiasme pour les protéger, car on peut encore inverser la tendance. L’avenir de ces glaces est entre nos mains. Et on a une chance extraordinaire de pouvoir sauver l’humanité.
Quelle est la fonction des glaciers ?
La neige et la glace renferment 70% des ressources en eau douce sur Terre. Si on regarde les Alpes, ils fondent un peu chaque année et nous rendent ce service gratuitement d’amener de l’eau dans nos rivières. On l’utilise pour boire, pour arroser nos cultures, c’est de l’hydroélectricité. C’est aussi le maintien du débit des rivières. Par exemple, en été, 40% du débit du Rhône est lié aux glaciers. C’est les centrales nucléaires ou encore un pilier de l’économie française par rapport au tourisme.
Si on dézoome un peu, on peut aussi regarder les grandes calottes polaires. Si le Groenland fond, c’est 10 mètres d’élévation potentielle du niveau des mers. 58 mètres pour l’Antarctique.
Comment peut-on agir à notre échelle ?
On sait qu’on a toutes les cartes en main pour éviter une disparition totale des glaciers. Pour éviter le pire, il y a un seuil à ne pas franchir : les 1,5 degré. La bonne nouvelle, c’est qu’on n’y est pas encore. On est à + 1,1 degré depuis l’ère préindustrielle.
Donc, que fait-on ? Déjà, on s’informe. C’est essentiel que tout le monde comprenne pourquoi on est toutes et tous touchés. Ensuite, il faut regarder ce que l’on peut faire à notre échelle. Et ça, ça passe par la mesure de notre empreinte carbone. La moyenne, pour un Français est à 9 tonnes de CO2 émises chaque année alors qu’il en faudrait 2. En mesurant, on sait donc ce que l’on peut progressivement réduire : les trajets en avion, la consommation de viande, la fast-fashion, etc.
Enfin, vous avez une voix ! Il faut s’exprimer, voter, s’engager auprès d’associations, en parler autour de soi avec bienveillance.