“Dans les quartiers populaires, il y a autant de vécus que d’habitants et d’habitantes”, raconte Yanis Khames, porte-parole de la Pride des banlieues. Seulement, en plus des problématiques déjà existantes, d’autres embûches peuvent venir s’ajouter quand on est une personne LGTQI+, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins.
“On sait que la santé communautaire est très importante, notamment pour les personnes trans, qu’il y a le VIH. Quand on se retrouve dans des services d’urgence bondés, c’est la double peine. Et ça va s’appliquer à tous les services publics. Chaque fois qu’on va vouloir avoir accès à ses droits, il va y avoir un premier barrage qui va être celui d’attendre des heures sur place ou pour prendre rendez-vous. Et dans un second temps, lorsque l’on va être au guichet, on risque d’être mal traité, parce qu’on a une expression de genre qui va être différente. Donc, ça va nous exclure des services publics et du droit commun”.
Pour plus d’équité, les participants de la Pride des banlieues ont marché pour la création de 10 000 places en hébergement d’urgence en Seine-Saint-Denis et la formation des agents du service public à l’accueil des personnes LGBTQI+, “pour que plus personne ne dorme dans la rue, peu importe son orientation sexuelle, son identité de genre, sa race ou sa classe sociale. On parle aussi de lutte contre le racisme et la précarité, parce que quand on est une personne LGBTQI+ issue des quartiers populaires, ce sont des situations que l’on vit”.
Frapper un grand coup
À l’origine, un constat. Les fondateurs de la Pride des banlieues ont commencé dans une association répondant aux problématiques générales des habitants dans les quartiers populaires. Dans ses rangs, des personnes LGBTQI+. “On s’est dit que ce serait intéressant de faire valoir ces vécus, avec un travail de terrain, en rentrant dans des collèges, des lycées, parler de la thématique, échanger avec les jeunes. Mais on s’est retrouvé face à des institutions très frileuses d’aborder ces sujets”.
Pas de réponse, on vous rappellera, voire un non, tout simplement. “Donc on s’est dit que si nous voulions faire entendre ces voix, il fallait frapper un grand coup. Une Pride des banlieues pouvait être ce grand coup qui pouvait nous permettre, enfin, de pouvoir avancer sur ces problématiques et ces revendications”, explique Yanis Khames.
La Pride des banlieues, après deux éditions, a le mérite d’avoir permis d’établir un contact avec les institutions locales, d’identifier l’existence de personnes LGBTQI+ dans ces quartiers, les représenter positivement et faire entendre leur voix. La suite du chemin consiste à poursuivre le dialogue avec les pouvoirs publics, mais aussi d’essaimer à travers la France, “que pour la prochaine édition il n’y ait pas qu’un seul événement, mais autant que de personnes qui souhaitent en organiser dans leur quartier”.
Un tour de France pour présenter le documentaire “La première marche de Baptiste Etchegaray et Hakim Atoui, sur la naissance de la Pride des banlieues en Seine-Saint-Denis, a contribué également à créer des ponts.
Motivés pour la suite
“On est fiers de l’organisation de ces marches des fiertés. On voit que ce n’est qu’un début. On a posé quelques briques, mais c’est un combat qui va se mener sur le long terme. Ça nous motive pour l’avenir. On a vraiment une bonne cohésion, c’est un des moteurs indispensables pour qu’on puisse avancer collectivement, pouvoir bénéficier des expériences de chacun et chacune.”
La Pride des banlieues, c’est un moment fort, “très coloré, à l’image des quartiers populaires”, avec des vécus pluriels, des prises de parole, des temps festifs, comme dans toutes les Pride, de communion et d’art. Un message qui porte davantage aujourd’hui, grâce à plus des représentations multiples. “Il y a certaines thématiques et certains nouveaux courants de pensée qui ont permis de mettre en avant des luttes encore à mener”, explique Yanis Khames. “Je pense notamment à l’intersexualité, qui est une grille d’analyse qui permet de mettre en avant encore plein de problématiques qui sont vécues, et peut-être que sur ces sujets-là, les jeunes aujourd’hui sont plus sensibilisés, ils ont plus les outils de compréhension de ces enjeux. Peut-être que le contexte est plus favorable qu’il y a 30 ou 40 ans, mais ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas encore plein de combats à mener”.