“Et alors, quand est-ce que vous nous en faites un deuxième ?” Cette question, fréquente, banale même, représente à elle seule tout le poids de la société lorsqu’il s’abat sur les épaules des familles avec un enfant unique. Et encore, devrait-on dire des femmes. Car, même en 2022, il est souvent considéré qu’elles sont le moteur de l’envie d’avoir un enfant lorsque deux personnes vivent ensemble.
Cette injonction, quasi permanente, à concevoir plus d’un enfant tire ses origines de notre histoire et tout particulièrement de celle de nos guerres.
Le poids de l’histoire
1870, tout d’abord. La défaite du Second Empire face à la Prusse laisse un pays exsangue. On y stigmatise les petites familles, celles qui n’ont qu’un enfant. Elles n’aident pas à la repopulation du pays, qui a perdu presque 140 000 personnes en seulement six mois de conflit.
Puis, arrive 1918 et l’après Première guerre mondiale, encore plus terrible sur le plan démographique. Ce sont alors les catholiques qui se mettent à défendre la famille nombreuse. Présentée comme généreuse, elle serait l’opposé de la famille avec enfant unique, forcément égoïste.
La politique familiale
L’État-providence emboitera le pas un peu plus tard. Il crée les allocations à partir du troisième enfant, met en place l’aide au déménagement et l’aide-ménagère. Il offre aussi une réduction du malus écologique pour l’achat d’une voiture, sans oublier la carte de réduction à la SNCF. Une prime pour les familles d’au moins quatre enfants est par ailleurs instaurée.
150 ans après 1870, la France continue de favoriser les familles nombreuses. Et la société, elle, de stigmatiser, sans le savoir, celles d’enfant unique. D’ailleurs, depuis les années 60 et encore aujourd’hui, seulement 20% des familles françaises ont un seul enfant, même si les choses commenceraient à évoluer.
Nous en parlons avec Anne Salles, Maitre de conférences à Sorbonne Universités, spécialiste de la démographie et chercheuse à l’INED, l’Institut National d’Études Démographiques.
