C’est en banlieue parisienne que grandit Emma Haziza. Mais à 7 ans, changement de décor et direction les Pyrénées-Orientales avec sa famille. Elle y découvre un nouvel environnement et se prend de passion pour les sources chaudes, les rivières, les pierres. Son envie ? Comprendre les différents milieux. Son inspiration est Haroun Tazzieff, l’un des pionniers de la volcanologie.
Plus tard, elle obtient un doctorat en hydrologie et psychosociologie des organisations à l’école des Mines de Paris. Car ce qu’elle souhaite, c’est faire le lien entre la santé des territoires et des humains et travailler, de manière globale, sur ces deux choses. Mais pour y arriver, l’hydrologue spécialiste de l’adaptation climatique martèle dans ses discours, médiatiques ou non, l’importance de préserver et de respecter l’eau essentielle à nos vies. Entretien.
AirZen Radio. Lors de vos interventions, Emma Haziza, vous dites que 2022 a été une année particulière. Pourquoi ?
Emma Haziza. Ça a été une année particulière parce que, pour la première fois, on n’a pas eu pluie pendant l’hiver. De 2017 à 2020, on a eu des sécheresses historiques, mais on avait de la pluie en phase hivernale. Les nappes phréatiques se re-remplissent de manière intelligente durant une période. Au-delà de cette période, ces pluies ne sont plus efficaces et on passe à une période de vidange de la nappe. Elle va commencer alors à donner son eau à toute la végétation, au printemps. Mais cette eau, on l’a complétement pompée à l’échelle globale, d’où les débits qui baissent. C’est pourquoi, on a une année complétement hors-norme avec peu d’eau et des températures élevées.
Combien de temps faut-il à une nappe phréatique pour se remplir ?
Il faudrait plusieurs semaines, voire mois, de pluie. En janvier 2018, par exemple, on a eu énormément de pluie à tel point qu’il y a eu une crue de la Seine. On avait 30% d’eau en plus dans nos nappes, et ça ne nous a pas empêchés de basculer dans une année de sécheresse historique parce que le mois de juillet a été caniculaire. On a perdu notre eau partout. Donc, ce n’est pas parce qu’on a de l’eau en hiver, que ça va régler notre problème. Le changement climatique est en train de s’installer en France. Il faut préserver cette eau, la laisser au maximum dans les milieux pour pouvoir essayer de protéger les écosystèmes qui en dépendent.
Justement, comment pouvons-nous faire pour préserver l’eau à notre échelle de citoyen ?
On peut la préserver à différents niveaux : dans nos robinets, avec des mousseurs, dans notre douche, avec des réducteurs de débit, dans les toilettes. Il y a des techniques pour éviter de re-remplir la chasse d’eau et perdre beaucoup d’eau potable. Aussi, il y a ce qui se cache dans notre assiette. Une kilocalorie demande un litre d’eau pour être créée. Si on en mange 2 à 3 000, c’est autant d’eau qui a été consommée qu’on ne voit pas. On a donc une responsabilité sur ce que l’on prend.
Vous parlez aussi de l’eau qui se cache derrière les vêtements…
Tout à fait. Il y a une décennie, on avait deux collections d’habits. Aujourd’hui, c’est environ 52. C’est autant de champs de coton qui ont besoin de beaucoup de chaleur et d’eau. Parfois, dans des zones dans lesquelles il n’y a pas de pluie. On pompe les nappes phréatiques au détriment des populations qui vivent sur place pour assouvir une soif, une économie, un rendement, une croissance qui nous mène vers un mur.
Malgré les constats que vous faites, est-ce que vous avez une once d’optimisme pour l’avenir ?
J’ai toujours de l’optimisme. Je vois d’ailleurs des jeunes qui sont dans un état d’éco-anxiété, qui se posent des questions sur l’avenir. J’ai envie de leur dire que, bien sûr, il y a de l’ombre partout sur Terre. On a des guerres. Des millions de personnes n’ont pas ce niveau de conscience de la protection planétaire. Mais ce qui essentiel, c’est de ne pas donner notre sourire, notre joie. Je crois que, même si on n’est pas beaucoup, on est de plus en plus, on doit au moins essayer de prôner un autre modèle. On doit apprendre à consommer autrement, mieux et essayer d’agir à notre échelle.