Les yeux derrière la tête, c’est le nom du projet développé en 2011 par Pauline Androlus, pendant ses études en design produit à l’école Boulle à Paris. « J’ai créé une collection d’ustensiles de cuisine et d’art de la table pour répondre aux besoins des personnes déficientes visuelles. Mais le but était aussi qu’elle aille à tout le monde pour casser les barrières », explique la designer.
Celle qui a créé Androlus Studio, a été inspirée par sa grand-mère, Hélène : « Elle était atteinte d’une DMLA, une dégénérescence maculaire liée à l’âge. J’ai vu qu’elle avait du mal à repérer l’assiette quand elle était sur une table. J’ai donc souhaité faire un lien avec mon sujet de diplôme. »
Pour mener à bien ce projet, Pauline Androlus s’est entretenue avec des personnes malvoyantes afin de connaître leurs besoins. Elle a noté « qu’il y a beaucoup d’aides matériels vocales. C’est un peu une pollution sonore pour eux. Et le toucher est un sens apaisant ».
Du projet à la concrétisation
Ce qui n’était qu’à l’état de prototype est en voie de commercialisation après la rencontre entre Pauline Androlus et Marie Castel fondatrice de Maison Fragile, une maison d’édition engagée qui fabrique de la vaisselle en porcelaine. Tombée sous le charme de ses produits, Marie Castel a souhaité éditer une partie du projet des Yeux derrière la tête. Il s’agit de quatre pièces en céramique : une assiette, trois plats, avec des serviettes et des sets de table, qui sont sous la collection Tact « car ça fait appel essentiellement au touché. »
Lorsque Pauline Androlus a pensé ses produits, elle a travaillé sur le motif qui est visuel et tactile. Sur la nappe et les sets de tables, il y a des broderies linéaires qui permettent de savoir où mettre les couverts, le morceau de pain, le verre etc. Cela permet une meilleure autonomie et d’éviter de devoir se rappeler où les objets ont été posés.
En ce qui concerne l’assiette, elle est ronde et divisée en trois parties : sans relief, avec de grands rectangles espacés et une autre avec des petits points réguliers. Chacune d’elles correspond aux féculents, aux protéines et aux légumes. « Mais si on veut y mettre un plat en sauce c’est aussi possible, précise en riant la designer, c’est un juste un modèle type. Pour savoir ce qu’elles mangent les personnes malvoyantes vont parfois devoir toucher la nourriture ou la découvrir une fois qu’elle est en bouche. Avec ces différents reliefs et le fait de passer les couverts par-dessus, elles sauront ce qu’il y a. »
Le handicap, source d’inspiration
À travers son projet Pauline voulait montrer que « le handicap peut être perçu autrement et positif, car il peut être porteur de création. Pour une personne avec une déficience, un motif qui ne serait que visuel ne lui serait pas accessible. D’ailleurs, quand on a fait tester la vaisselle il y avait Françoise. Elle a commencé à découvrir la nappe et l’une des choses qu’elle a dites c’est « Oh c’est beau ».
Pour réaliser la collection Tact, Maison Fragile a trouvé deux manufactures qui fabriquent exclusivement en France, labelisées Entreprise du patrimoine vivant. Il y a Pillivuyt, fabricant de porcelaine extra-dure. Pour le linge de table, c’est Garnier-Thiebaut qui a été choisie. Pour que ce projet d’étude se concrétise, une campagne de financement participatif a été lancée.
Pauline Andorlus appliquera des prix préférentiels et une partie avec des packs solidaires qui permettront d’équiper des instituts comme l’INJA, Institut National des Jeunes Aveugles.