“Que d’eau, que d’eau !” s’exclamait Patrice de Mac Mahon face aux crues de la Garonne, en 1875. Si la pluie est fortement tombée dans plusieurs régions de France – notamment au nord du pays -, les nappes phréatiques ne sont pas pour autant sorties d’affaire. “Il faut se le dire, c’est une très bonne nouvelle qu’il ait bien plus ces dernières semaines”, concède Nathalie du Centre d’Information sur l’Eau (CIE).
Pourquoi ? Entre mai 2022 et février 2023, il n’était pas tombé une seule goutte sur la plupart des territoires français. En cause, une sécheresse importante des sols et des vagues de chaleurs successives. Le retour de la pluie est donc bon signe, mais ne nous réjouissons pas trop vite, ce n’est malheureusement pas suffisant.
Pourquoi les récentes pluies n’ont pas vraiment suffi
“Chaque goutte compte. Donc chaque goutte d’eau qui tombe est un vrai plus pour la nature. Ces précipitations sont les bienvenues, mais nous n’en avons pas eu partout”, explique la chargée d’études. Et pour cause, 26 départements, concentrés en majorité dans le sud-est et l’ouest du pays, sont toujours en risque “très probable de sécheresse d’ici la fin de l’été”. En mai 2023, ce sont encore 68% des nappes phréatiques que le Bureau de Recherches Géologiques et Minières classe en “niveaux insuffisants”.
Comment est-ce possible ? Nathalie Davoisne explique que, pour un “remplissage” optimal des nappes, il faut de la pluie en abondance de septembre à mars. Lorsqu’il pleut en hiver, la pluie infiltre les sols pour rejoindre les nappes. “Mais une partie va être pompée par la nature qui se réveille au printemps. Or, là, c’est la nature qui a bien profité des récentes pluies. Et c’est super, car tout est vert… Mais elle n’en a pas laissé assez pour les nappes, schématise-t-elle. On voit bien que la situation reste critique et qu’il faut maintenir la vigilance.”
Comment maintenir les efforts à notre échelle ?
Pour le Centre d’Information sur l’Eau, la clé est en partie entre nos mains. Il faut savoir que faire avec l’eau qu’on a reçue et surtout ne pas la gaspiller. L’une des sources principales de gaspillage vient d’ailleurs des fuites dans les canalisations. On estime le taux de fuite à 20% dans notre système d’eau courante. 1300 milliards de mètres cubes sont ainsi “perdus dans la nature” chaque année. Soit l’équivalent de 430 000 piscines olympiques.
“Alors, bien entendu, cette eau de pluie n’est pas véritablement perdue. Elle se ré-infiltre dans nos nappes phréatiques heureusement. Mais c’est de l’eau traitée, c’est ça le problème ! C’est de l’eau potable que l’on perd”, explique Nathalie Davoisne.
Mais alors, comment réagir ? Pour la membre du CIE, il existe de nombreuses façons de préserver cette ressource capitale à notre petite échelle. Cela passe, d’abord, par les gestes du quotidien : “Prendre une douche moins longue, arroser ses extérieurs tôt le matin ou tard le soir pour éviter l’évaporation, installer des mitigeurs sur ses robinets…” Ensuite, il faut aussi contrôler l’état de ses canalisations. “Un bon moyen de le faire c’est de relever le compteur d’eau avant d’aller au lit. Si, au réveil, vous constatez qu’il y a un grand écart de chiffres, c’est qu’il y a une fuite et que vous pouvez faire intervenir un plombier.”
Enfin, le CIE préconise l’installation de compteurs d’eau intelligents à la façon de Linky pour l’électricité. Seuls 40% des foyers en sont équipés en France. “C’est aux collectivités de s’en emparer, car ces outils technologiques permettre de suivre au mètre cube près la consommation, de faire des prévisions et aussi de repérer les fuites”. Enfin, les arrêtés de répartition pris par les préfets peuvent venir en complément.