Tout au long de l’année, l’Établissement français du sang (EFS), organise différentes campagnes de sensibilisation autour du don du sang. L’une d’entre elles est d’ailleurs consacrée à informer le public sur les groupes sanguins rares qui ont une utilité particulière. Le Dr Fabien Lassurguerre, directeur collecte et production de l’EFS Nouvelle-Aquitaine, répond à nos questions.
AirZen Radio. Qu’est-ce qu’un groupe sanguin rare ? Et, surtout, pourquoi parle-t-on de rareté ?
Dr Fabien Lassurguerre. La rareté, c’est la fréquence dans la population. On définit un sang rare lorsqu’il y a moins de quatre personnes sur 1000 qui possèdent ce type de groupe sanguin. Il y a donc les groupes classiques AB, A, B et O puis les rhésus négatifs ou positifs. Et il faut savoir qu’au-delà de ces groupes sanguins habituels, existent plusieurs particularités qui se rattachent à ces groupes. En tout, ilexiste plus de 300 groupes sanguins au sein de la population humaine.
Comment sont-ils appelés ?
Alors, ils ont des noms, par exemple, le groupe Duffy. Il faut savoir que les groupes sanguins rares ont des particularités que l’on va trouver sur les globules rouges. C’est ce qu’on appelle des antigènes. Certaines personnes ont donc certains antigènes et d’autres n’en ont pas. C’est la répartition de ces antigènes sur les globules rouges qui va faire la différence de groupe sanguin et qui peut amener des particularités très sensibles avec des gens. On peut avoir, par exemple, dans notre population, moins de dix personnes sur la population française qui vont posséder un groupe sanguin particulier. C’est très important de les repérer parce que, quand on va devoir transfuser une personne, il faut absolument connaître le groupe de la personne et trouver le donneur qui va être compatible pour éviter l’accident transfusionnel.
Comment peut-on savoir si notre groupe sanguin est rare ?
Souvent, on le découvre par hasard. C’est-à-dire au cours d’une intervention. Quand on est opéré, une carte de groupe est toujours réalisée. Et, parfois, on se rend compte que le patient va avoir un groupe un peu particulier, qu’on va étudier et qu’on prendra en compte pour les opérations ultérieures.
Il y a aussi des gens qui connaissent leur groupe sanguin parce que, dans leur famille, il y a des sangs rares. Aussi, en France, l’organisme qui s’appelle le Centre national de référence des sangs rares va justement essayer de recenser ce sang. Il va ainsi pouvoir nous alerter en disant : là, il faut vraiment contacter ces personnes pour qu’on puisse les prélever. Parfois, on va même congeler leur sang pour avoir des réserves quand ces sangs rares sont vraiment exceptionnellement rares et pas être dans une impasse quand un malade aura besoin de ce groupe sanguin particulier.
Il y a aussi une conservation spécifique pour les sangs rares…
Ça dépend. On peut être amené à les congeler, ce qu’on ne fait pas habituellement. Quand un donneur va donner son sang, en effet, sa poche va être utilisable pendant 42 jours. Elle va rester sous forme liquide et on va la garder dans le service de distribution. Mais elle ne reste jamais 42 jours dans nos étagères parce qu’évidemment, on a besoin de sang régulièrement. Globalement, la moyenne d’utilisation de nos poches est de 13-14 jours en France. En revanche, pour les sangs rares, qu’on ne voit pas fréquemment, on congèle. Mais si un malade arrive, et qu’il faut absolument avoir besoin de ce sang, on le décongèle.
En fait, ce qu’on veut éviter, c’est de se retrouver dans ce qu’on appelle une impasse transfusionnelle. C’est-à-dire avoir un malade qu’on ne saurait transfuser parce qu’on n’aurait pas la poche qui correspondrait à ce malade. Donc, pour ne pas se retrouver dans cette situation, il faut vraiment qu’on ait plein de donneurs qui viennent pour qu’on puisse les tester. Ainsi, on va pouvoir trouver ces petites particularités qui vont être nécessaires pour transfuser.
Qu’en est-il de la “population de sang rare” ?
Tout le monde peut être “sang rare”. Ça dépend de plein de facteurs. La répartition de ces sangs rares n’est pas du tout la même selon les pays. Par exemple, les rhésus négatifs sont assez fréquents en France. Ils sont présents chez 20 % de la population. Mais en Chine, ce résultat négatif est quasi inexistant, les rhésus négatifs sont donc rares. Et avec la mondialisation, les populations se déplacent. On voit des personnes qui viennent d’autres parties du monde, qui ont des particularités sanguines. Il faut absolument en tenir compte au moment où on va devoir les transfuser.
Cela veut dire que selon endroit dont nous sommes originaires, nous pouvons avoir des particularités dans le sang ?
Il peut y avoir des particularités avec des gens, des antigènes spécifiques qu’on trouve moins dans d’autres populations. La mondialisation a fait que beaucoup de gens bougent. On retrouve en France des populations qu’on ne voyait pas avant, il y a 50 ans. Parfois, des personnes se présentent avec des maladies importantes, nécessitant des transfusions. Je pense notamment à la drépanocytose. C’est une maladie génétique des globules rouges très fréquente et qui va nécessiter des transfusions régulières. Les patients qui en souffrent ont parfois des groupes sanguins un peu particuliers. Il faut absolument trouver des donneurs qui vont être compatibles avec ces malades. C’est donc essentiel d’avoir des dons de gens qui ont des ancêtres venus d’autres parties du monde pour justement disposer d’un panel de sang le plus large possible. Ainsi, on va pouvoir transfuser tous les malades qu’on voit tous les jours dans nos hôpitaux.
D’où cette nécessité de sensibiliser aux groupes sanguins rares et, plus généralement, au don du sang…
Oui, c’est important d’en parler pour inciter les gens à venir donner leur sang et qu’on puisse tester leur sang. Et essayer de repérer des sangs rares parmi ces donneurs. Mais on a besoin que les gens se mobilisent toute l’année, viennent à nos collectes et viennent donner leur sang, qu’ils aient un sang rare ou non. Il faut vraiment que ça se fasse dans la diversité de la population. Tout le monde doit se sentir concerné par le don du sang et doit venir, parce qu’il y a des malades qui vont correspondre parfois à un seul ou deux donneurs. Et, peut-être qu’un jour, eux aussi, pourraient avoir besoin d’être transfusés – ce que je ne leur souhaite pas – et il faudra alors que quelqu’un ait la même particularité sanguine pour pouvoir justement répondre à ces besoins transfusionnels.
En France, 10 000 dons du sang sont nécessaires par jour pour répondre aux besoins.