C’est sur les bancs de l’école d’ingénieur chimie de Bordeaux, en 2014, que se sont rencontrés Antoine Brege, Guillaume Charbonnier et Thomas Hennebel. Une fois diplômés en tant qu’ingénieurs chimistes spécialisés dans les matériaux polymères, ils ont chacun pris une trajectoire différente. Puis, ils se sont retrouvés, quelques années plus tard, pour fonder, Dionymer.
Cette start-up utilise les déchets organiques pour les transformer en un plastique biosourcé et biodégradable, le PolyHydroxyAlcanoate. « On a voulu avoir une approche complètement différente de la chimie qui est celle de la chimie des déchets. C’est de la chimie circulaire. Et donc on a créé ce polymère. Il concerne tout ce qui est plastique, vêtements polyester, résines de peintures, de colles, etc. Aujourd’hui, ces matériaux sont composés à 99 % de plastique issu de la chimie du pétrole », explique Thomas.
Quand la nature est inspirante
Les trois amis élaborent ce principe depuis ces deux dernières années. Leur démarche s’inspire du biomimétisme, c’est-à-dire l’imitation de la nature. Il y a toute une approche autour du biomimétisme, qui consiste à regarder ce qui se fait dans la nature. « En fait, c’est un principe de fermentation bactérienne, un peu comme on fait de la bière. Mais nous, on utilise des bactéries bien particulières qui sont capables de dégrader ces déchets et de les transformer en matériau plastique biodégradable. Car elles-mêmes sont capables d’accumuler du plastique dans leur corps, comme si nous, on stockait la graisse. À la fin, on extrait ce bioplastique à l’intérieur des bactéries. Et donc, on obtient une poudre blanche qui ressemble un peu à de la farine. Celle-ci peut être mise en œuvre pour un certain nombre d’applications », détaille l’un des fondateurs de Dionymer. Il suffit ensuite faire fondre cette poudre blanche pour lui donner la forme souhaitée.
Les ingénieurs travaillent sur différents types de déchets. Il y a ceux qui sont alimentaires, issus de l’hôtellerie-restauration, des ménages. Des effluents laitiers également, qui proviennent des industriels du lait, par exemple, ou encore sur des déchets de l’industrie vinicole sur lesquels ils ont commencé à travailler. L’un de leurs partenaires est Bicycompost. Cette société bordelaise collecte les déchets de façon décarbonée, à vélo cargo électrique, dans la métropole. Elle se rend dans les hôtels, les restaurants, les crèches, les entreprises… Elle centralise ainsi les déchets et en donne une partie à Dionymer pour développer son innovation.
Un faible impact environnemental
À l’arrivée, ce matériau a les mêmes propriétés que celui issu de la pétrochimie, précise l’ingénieur. Il peut s’utiliser en cosmétique, pour des médicaments, la fabrication de matériaux, d’emballage type sachet de thé… Il est compostable chez soi, biodégradable au bout de 2 ans, en fonction du milieu et ne génère pas de microplastique.
Pa ailleurs, il était important pour les ingénieurs que la production de ce plastique biosourcé ait un impact environnemental faible. « Et c’est le cas, puisqu’on a eu recours à la chimie du vivant. On utilise les bactéries qui se développent dans l’eau uniquement à une température quasi ambiante, à 35 degrés. Ça se développe à pression ambiante. Contrairement aux procédés de pétrochimie classiques, qui nécessitent des températures extrêmement élevées, des pressions, etc. »
Avec ces qualités avancées, nombreuses sont les entreprises à avoir approché Dionymer. En revanche, Thomas Hennebel précise que cette technologie ne peut pas s’adapter à toutes les demandes. « On a été contactés par Safran, groupe industriel de l’aéronautique, pour des matériaux biodégradables et biosourcés pour certaines applications, dit-il. Là, ça a moins de sens, parce qu’il recherche des propriétés de tenue au feu, pour les avions. Notre matériau ne les a pas. »
La prochaine étape pour les fondateurs de Dionymer est la phase de pré-industrialisation et une production à une plus grande échelle de leur polymère.