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Comment mieux utiliser les écrans pour favoriser le lien parent-enfant

Catherine Salinier, médecin pédiatre ambulatoire, membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire, nous prodigue ses conseils sur les bonnes pratiques à adopter avec les écrans.
Une jeune fille et dame souriantes sont assises sur une table devant un écran d'ordinateur
© Lumos sp/Adobe Stock
Journaliste

Les écrans sont omniprésents dans nos vies : tablette, télévision, smartphone, jeux vidéo… Selon le baromètre du numérique, en 2022, un Français passe en moyenne 32 heures par semaine devant un écran pour un usage professionnel et/ou privé. Leur présence peut avoir des incidences sur les interactions sociales, notamment entre les parents et les enfants. De quelle façon ? Comment y remédier ?

Catherine Salinier, médecin pédiatre ambulatoire, membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa) apporte ses lumières 

AirZen Radio. En quoi donc les écrans peuvent être problématiques ?

Catherine Salinier/Collection privée

Catherine Salinier. Les écrans sont problématiques dans le développement de l’enfant de la même manière qu’ils le sont dans les relations entre les adultes. S’il est facile de dire que l’écran fait écran à la relation, c’est pourtant la vérité. Donc, quand un adulte est polarisé par son écran, il ne fait pas attention à son enfant qui, par exemple, le sollicite. Ce sont autant d’occasions d’interactions qui sont perdues.

Sans parler du fait que l’écran est nocif par lui-même lorsque l’enfant le regarde trop. Ce n’est pas adapté à son âge, il y a des stimulations lumineuses trop importantes, du bruit, l’image va trop vite. Il n’a alors pas le temps d’imaginer sur cette image, comme il peut le faire avec un livre ou en jouant avec un de ses compagnons ou ses parents. Il y a plusieurs niveaux de nocivité de l’écran en lui-même.

C’est-à-dire ?

C’est ce qui s’y passe qui peut être nocif. Soit parce que ce sont des dessins animés qui sont totalement inadaptés à l’âge de l’enfant. Soit, pire, quand il regarde des informations qui ne lui sont pas destinées. Quand les télévisions sont allumées toute la journée, les images, de guerre, par exemple, peuvent tout à fait perturber son développement et son sommeil parce qu’il ne comprend pas ce qui se passe.

Ce sur quoi nous insistons, à l’Association française de pédiatrie ambulatoire, c’est l’absence d’interaction d’un parent qui est trop fixé sur son écran ou l’absence d’interaction d’un enfant qui est mis devant la télévision. Il sera bloqué dans son développement par défaut d’interaction avec son parent.

À quel moment a-t-on fait ce constat ?

En 2000, dès que les écrans ont pris une place importante, peut-être plus l’arrivée du smartphone que celle de la télévision. C’est surtout les smartphones et les tablettes qui ont rendu les écrans beaucoup plus accessibles. Beaucoup de gens me disent : « Nous, de toute façon, on fait très attention à ça. On n’a pas la télévision à la maison ». Mais on n’a plus besoin de téléviseur à la maison. L’enfant regarde des tablettes n’importe où. Vous le voyez bien dans la rue ou dans le tram.

Donc, je crois qu’on s’y est beaucoup plus intéressé au moment où les écrans sont devenus un objet du quotidien, qu’on manipule tous sans même nous en rendre compte. Alors, qu’avant, quand il n’y avait que la télévision, il fallait qu’elle soit allumée. Il y avait peut-être plus de conscience de ça. Par ailleurs, il y a aussi tous les effets pervers des chaînes payantes pour les enfants qui se sont développés il y a une trentaine d’années.

En quoi cela peut poser un problème ?

Les gens vont mettre l’enfant devant un dessin animé, parce qu’ils pensent que ce n’est pas nocif. Mais, maintenant, toutes ces chaînes-là se sont développées, font de la publicité qui laisse penser aux parents, qu’au contraire, ça développe ceci et cela. Au contraire, ça ne développe certainement pas les interactions sociales. Or, l’être humain est fait pour faire des interventions sociales. Et, surtout, l’enfant se développe par imitation avec son parent et par échange avec son parent.

Si vous ne parlez jamais avec votre enfant, il ne saura pas parler. Ou que vous ne lui expliquez pas que cette couleur, c’est le rouge. S’il ne vous voit pas cuisinier, il ne saura pas quoi faire avec la tomate. Alors, à l’Afpa, avec Mpédia (un site de conseils en parentalité, NDLR), plutôt que de formuler des injonctions punitives et, surtout, culpabilisantes sur les écrans, on préfère expliquer aux parents pourquoi et comment utiliser les écrans au mieux. Comment ne pas trop les utiliser. On a donc créé un jeu de cartes avec le soutien de Santé publique France.

En quoi cela consiste ?

On fait des ateliers ludiques, pédagogiques et interactifs, lors desquels on fait s’exprimer les gens sur comment ils utilisent les écrans, leur nombre, à quel moment. On essaie de faire réfléchir les participants sur leur utilisation des écrans, sur pourquoi ils sont fascinés par ça. Pourquoi, quand ils sont à table, ils vont réagir aux notifications. Ça, c’est dans un premier temps. Puis, on leur demande ce qu’ils pourraient changer en travaillant avec notre jeu en présentant des situations du quotidien. Sur le recto de la carte, il y a la situation néfaste.

Au verso, il y a une explication sur le développement de l’enfant et pourquoi il faut faire comme ça. Par exemple, un parent et un enfant de 7 ans sont dos à dos, chacun devant un écran. Est-ce qu’il ne vaut pas mieux qu’ils regardent ensemble le film sur le même écran et qu’ils en parlent après ?

On essaye de construire des situations du quotidien, de déconstruire des situations délétères et de reconstruire dessus une situation plus normale. On ne dit donc pas “jamais d’écran”, mais “avec les écrans, il y a des ajustements”.

Pour terminer, Catherine Salinier, quel conseil souhaitez-vous partager ?

Je souhaite dire que chez l’adulte comme chez l’enfant, trop d’écran bloque toute la capacité de rêverie, de pensée. On a remarqué que quand un enfant est sans arrêt devant un écran, il développe des retards de langage, de développement. C’est parce qu’on ne lui a pas assez parlé, qu’il ne sait pas jouer, qu’il ne sait pas s’ennuyer. Les enfants ont besoin de s’ennuyer pour aller jouer. On ne peut pas jeter les écrans puisqu’ils font partie de notre vie, mais on doit les utiliser correctement.

C’est un peu comme quand on possède une voiture. On est bien content parce qu’elle peut aider à se déplacer s’il n’y a pas de transports en commun. Mais si on va trop vite, c’est dangereux. Il faut donc savoir utiliser les écrans et faire particulièrement attention aux enfants qui ont besoin d’interactions et de liberté de penser et de jeu.

Le psychiatre Serge Tisseron a développé la règle« 3-6-9-12 » :

Avant 3 ans : Jouez, parlez, arrêtez la télé
3 à 6 ans : Limitez les écrans, partagez-les, parlez-en en famille
6 à 9 ans : Apprenez-lui à se protéger et à protéger ses échanges
9 à 12 ans : Créez avec les écrans, expliquez-lui Internet
Après 12 ans : restez disponible, il a encore besoin de vous

Il proscrit un temps d’écran supérieur à 1 h 30 min par jour pour les enfants de 3 à 5 ans et 2 heures pour les plus de 6 ans.

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