Joëlle Sicamois est la présidente de la Fondation pour l’Enfance. Selon son dernier baromètre sur les violences éducatives ordinaires (VEO), 81% des parents utilisent encore ces formes de violences. Pourtant, près de huit Français sur dix affirment savoir ce qu’elles sont (79%, en hausse de 7 points par rapport à 2022), et près de la moitié déclarent en connaître précisément les contours (46%, +8 points). Pour rappel, sont considérées comme violences éducatives ordinaires les gifles, les fessées, les cris ou les humiliations que les parents ou éducateurs utilisent pour corriger ou contrôler les enfants. Elles sont interdites par la loi du 10 juillet 2019.
AirZen Radio. Pouvez-vous nous donner un aperçu des résultats de ce baromètre ?
Joëlle Sicamois. Ce baromètre, qui est une seconde édition, révèle des éléments positifs. La connaissance des violences éducatives ordinaires a progressé chez les parents. Leur compréhension de ces violences s’est améliorée, tout comme leur connaissance de la loi de juillet 2019. En revanche, ce qui nous préoccupe beaucoup, c’est que les usages des violences éducatives ordinaires ont stagné. Nous observons même une tendance à la hausse. Cela nous questionne énormément. Nous constatons une meilleure notoriété et une meilleure connaissance, mais les parents persistent.
Pourquoi ?
Il y a un élément qui nous donne un début d’explication. En effet, 60 % des parents considèrent que cela concerne la cellule familiale et que l’État ne doit pas interférer. Cette opinion est en hausse. Cela signifie : laissez-nous tranquilles, nous gérons nos enfants comme nous le souhaitons, cela ne regarde personne. Alors que si, cela regarde tout le monde. La façon dont les enfants sont traités concerne toute la société.
Comment expliquer la contradiction entre la conscience du problème et sa persistance ?
Déjà, nous disons que, certes, les parents disent qu’ils connaissent, il y a une progression de la connaissance, mais nous ne sommes pas certains qu’elle soit si fine. Ils pensent connaître, mais sans véritablement savoir. Ensuite, ce qui compte, c’est d’amener les parents à comprendre les impacts de ces usages. Répétés, ils affectent le développement de l’enfant, ses capacités d’interaction, sa confiance et son estime de soi. Comprendre ces impacts est crucial pour la réussite en société.
Comment nous améliorer ?
Dès la grossesse, il faudrait expliquer aux parents les besoins fondamentaux de l’enfant pour bien grandir. Aujourd’hui, les parents deviennent parents et sont laissés seuls. Il ne s’agit pas de dire aux parents que faire, mais de leur donner des clés de lecture. D’ailleurs, un tiers des parents aimeraient bénéficier d’ateliers de soutien à la parentalité.
Il y a aussi une question de volonté et d’organisation. Dans certains pays du Nord, dès la sortie de la maternité, des groupes de parole sont organisés pour les parents du même quartier. C’est un soutien énorme et peu coûteux. En France, nous avons des PMI et des maisons des 1000 premiers jours, qui sont essentielles. Donnons-leur les moyens d’accompagner et d’aider les parents.
Ensuite, il faut que notre société considère que c’est collectivement qu’on y arrivera. Le dialogue doit se renforcer entre parents, enseignants, professeurs dans les centres de loisirs et clubs sportifs. Tout le monde doit se sentir responsable des enfants qui gravitent autour de nous.