Les sportifs de haut niveau doivent faire face à différentes émotions tout au long de leur carrière. La joie, la colère, la déception, l’exaltation, le stress, l’anxiété… Mais comment se manifestent-elles ? Lou Méchiche,18 ans, en sait quelque chose. Cette parasurfeuse malvoyante, championne du monde en équipe et troisième en individuel, les ressent intensément.
« Je passe par des émotions bien fortes. J’ai donc pris une coach mentale. Une autre coach m’a aussi appris à les gérer, à rester concentrée, parce que j’ai tendance à penser à 20 000 trucs en même temps. J’ai aussi beaucoup d’adrénaline quand je suis en compétition. J’ai envie d’aller à l’eau direct, même quand ce n’est pas à mon tour. Je ressens de la colère quand je ne réussis pas une vague. Je m’énerve beaucoup. Ça me vaut quelques bleus sur les jambes à cause de la planche, que je tire hyper fort vers moi », détaille-t-elle. Elle raconte qu’il peut aussi lui arriver de pleurer de tristesse lorsqu’elle n’atteint pas ses objectifs ou de ressentir de l’injustice face à certaines décisions de l’arbitre.
Les outils
Mais alors, comment gérer ces émotions pour qu’elles ne soient pas un obstacle dans l’accomplissement de leurs attentes ? La jeune athlète fait des exercices de respiration, notamment pour le stress. C’est aussi le cas de Milo Bernard, 17 ans, en internat au Creps de Bordeaux.
Le parathlète est spécialiste du 100 m, 200 m, mais surtout du saut en longueur. Il a été amputé de sa jambe droite, à 9 ans, à la suite d’un accident agricole avec son père. « Les émotions m’animent au quotidien et sont aussi présentes à l’entrainement. Parfois, on a des coups durs. Les émotions sont au plus bas. C’est compliqué mentalement. Puis, on a un déclic, du bonheur rejaillit. En compétition, quand on a le trac ou ce genre d’émotions qui pourraient nous restreindre, finalement cela nous permet de nous dépasser. En fait, on les transforme en moteur à travers la respiration et la visualisation. La peur devient de la détermination puis de la joie si on a réussi à réaliser une belle performance », dit-il avec le sourire.
L’entourage
L’entourage joue également un rôle important, notamment les coachs qui passent beaucoup de temps avec les athlètes. « C’est important qu’ils soient présents dans notre quotidien, pour nous cadrer. Comme ça, ils nous reprennent quand on n’est pas sérieux, pas assez concentrés. Mais aussi nous pour nous préparer à des compétitions énormes », explique le jeune homme. Il peut d’ailleurs compter dans son cercle proche sur Bastien Drobniewski, coordonnateur des Pôles Nationaux Handisport au Creps de Bordeaux, le seul en France qui a une section dédiée aux sportifs de haut niveau porteurs de handicap.
Sur ce site, il est au contact de 28 athlètes répartis dans trois disciplines : le basket fauteuil, le tennis de table et l’athlétisme handisport. Ici, tous les sportifs ont un handicap moteur et/ou sensoriel. Une spécificité avec laquelle il compose pour proposer un accompagnement adapté. « Ils ont une fragilité certaine qui vient de la naissance, de la jeunesse, de l’adolescence. Il faut donc comprendre ce qui est arrivé et comment l’athlète se positionne par rapport à ces difficultés-là. C’est un élément indissociable aujourd’hui pour les accompagner et les coacher au mieux », dit-il.
La considération des émotions des sportifs de haut niveau
Le coordinateur a par ailleurs pu constater l’évolution de la place des émotions. « La gestion des émotions chez l’athlète est un sujet de moins en moins tabou. Et dans l’environnement du sport de haut niveau, les émotions sont intenses, parfois contradictoires. Le parcours de nos jeunes n’est jamais linéaire. Il est jonché de déceptions et de réussites. L’enjeu est donc de réussir à passer ces étapes-là. Je pense que, pour les aider, il y a des règles d’or : connaître le parcours et connaître l’identité de chacun d’entre eux, analyse-t-il. Aujourd’hui, je pense que, dans le sport de haut niveau, il y a une recherche de la meilleure performance. On s’est intéressé pendant de nombreuses années au corps. Maintenant, on va davantage dans les émotions, les sentiments. On essaie de faire coïncider performance mentale et physique. »