“Le moment est venu de se demander si on a besoin d’une agriculture aussi intensive. À quoi sert-elle ? À 70%, à nourrir du bétail”. Les mots de Gilles Billen sont forts et les perspectives que dessine le chercheur du CNRS pour l’agriculture biologique en Europe sont ambitieuses.
L’alimentation est un enjeu crucial pour le XXIe siècle. C’est au regard de ce constat que l’équipe de chercheurs a choisi de répondre à une question simple : l’Europe pourrait-elle être nourrie par une agriculture biologique et locale ?
Pour le co-auteur de cette étude, publiée l’année dernière dans la revue “One Earth”, la réponse est affirmative. Elle bat d’ailleurs en brèche un certain nombre d’idées reçues : l’Europe, qui est actuellement nourrie par le monde, pourrait devenir autonome, voire même exporter ses productions agricoles.
Pour cela, le biogéochimiste rappelle que “l’agriculture biologique ne peut pas être que l’agriculture conventionnelle sans les engrais de synthèse et sans les pesticides. C’est une autre façon d’alimenter les gens”.
L’étude fait donc apparaître trois piliers essentiels. Les habitudes alimentaires jouent à ce titre un rôle clé et l’étude préconise de réduire la consommation de viande par l’humain.
Tout est lié
Aussi, il faut appliquer dans les champs des rotations de cultures longues et diversifiées comprenant des légumineuses, en finir avec les élevages industriels, rapprocher les cultures et l’élevage pour permettre de fertiliser les sols avec les excréments animaux voire même humains. Enfin, il faut produire de la nourriture animale de manière plus harmonieuse. “Des élevages de plus petite dimension impliquent une moindre consommation de viande. Tout cela est lié”, insiste Gilles Billen.
Mises bout à bout, ces propositions changeraient durablement le système agricole et permettrait, sur tout le continent européen, l’émergence d’une agriculture locale respectant les principes de l’agroécologie dont l’agriculture biologique est une application.
Face aux crises sanitaires, climatiques ou à la guerre en Ukraine, Gilles Billen estime qu’il est d’autant plus urgent d’appliquer ce plan. “Ces remises en questions structurelles concernant notre régime alimentaire et notre production agricole devraient venir car elles sont urgentes. Ces réponses ont aussi le mérite de ré-adapter notre mode de production agricole face au grand défi climatique.”