Laurène Lévy est rédactrice en chef adjointe d’Allodocteur.fr. Dans un ouvrage historique et pédagogique, baptisé « Mes trompes, mon choix ! », publié aux éditions Le Passager clandestin, l’autrice revient sur un tabou : la stérilisation contraceptive des femmes. Rencontre.
AirZen Radio. Qu’avez-vous souhaité évoquer à travers ce livre ?
Laurène Lévy. J’ai voulu évoquer la question la contraception définitive. C’est autorisé et légal en France depuis 2001, accessible à toutes et tous à partir de l’âge de 18 ans.
On parle de vasectomie pour les hommes, ligature des trompes pour les femmes… C’est à ces dernières que vous vous adressez ?
Oui, j’ai remarqué que la stérilisation était un moyen de contraception, encore aujourd’hui, bien moins accessible pour les femmes que pour les hommes. Je me suis donc demandé pourquoi. Et il y a en réalité plusieurs facteurs. Il y a déjà un aspect purement technique. Le geste médical est plus simple pour les hommes. La chirurgie peut se faire en ambulatoire.
Pour les femmes, c’est plus compliqué, il y a le plus souvent une anesthésie générale et une procédure plus invasive. Il y a également une barrière symbolique : on ferme plus difficilement la porte de la maternité aux femmes qu’aux hommes. Il y a encore une association systématique des femmes à leur fonction de mère.
Ces objections se retrouvent dans l’entourage, mais aussi dans le corps médical ?
Tout à fait ! Quand on est une femme et qu’on s’adresse à un médecin pour se faire stériliser, on rencontre quasi-systématiquement des objections de principe telles que “vous êtes trop jeune”, “vous pouvez encore changer d’avis”, “vous ne savez pas de quoi vous parlez”… Il y a aussi un réflexe de la part du corps médical qui est de dire : pas de stérilisation pour celles qui n’ont encore jamais eu d’enfant ou alors pas avant 35 ans.
Ont-ils le droit de refuser de ligaturer les trompes à une patiente ?
Techniquement, oui. Il existe une clause de conscience pour l’interruption volontaire de grossesse. Les médecins qui ne souhaitent pas la pratiquer le peuvent. C’est la même chose pour la stérilisation.
En revanche, ils ont l’obligation de rediriger la patiente vers un confrère ou une consœur. Mais en plus de ça, au-delà de cette clause de conscience, on tombe souvent sur des refus de principe.
Quelle est la procédure ?
C’est une décision irréversible, il y a donc un long temps de réflexion. On va d’abord sensibiliser la patiente aux conséquences, aux risques. Ensuite, elle signe un document donnant son accord pour la stérilisation et s’enclenche alors une phase de 4 mois au cours de laquelle la patiente peut encore changer d’avis. Cette phase peut s’étendre dans le temps, aussi longtemps qu’on le souhaite.
Une fois cette période écoulée, le rendez-vous est pris avec un anesthésiste et un chirurgien. Encore faut-il trouver des praticiens qui, là aussi, sont d’accord et ne vont pas changer d’avis au dernier moment. C’est un vrai « parcours de la combattante ».
Pouvez-vous comprendre les réserves émises par les médecins ou les proches concernant l’irréversibilité d’une telle procédure ?
Je pense qu’il est très important de discuter avec les femmes concernées de cette irréversibilité. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Maintenant, donner son avis sur le choix de quelqu’un d’autre, sur un parcours de vie, à mon sens, est tout à fait malvenu. Quand une femme nous annonce qu’elle attend un enfant, cela ne nous vient à pas à l’idée de lui dire « mais tu es sûre, c’est irréversible. Tu ne vas pas changer d’avis après ? » Donc pour une stérilisation, c’est pareil. Et puis, si une femme stérilisée regrette, ça la regarde.