“Carton rouge” : des photos contre les violences sexuelles dans le sport

L’art photographique au service des causes fondamentales. C’est le leitmotiv de Catherine Cabrol, photographe engagée, qui a créé sa galerie photo sur son lieu de vie, à Villandraut, en Gironde.

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Catherine Cabrol : l’amour du sport et de la photographie

Catherine Cabrol : l’amour du sport et de la photographie

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Catherine Cabrol : une photographe engagée

Catherine Cabrol : une photographe engagée

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Catherine Cabrol : une galerie engagée en milieu rural

Catherine Cabrol : une galerie engagée en milieu rural

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À Villandraut, petit village girondin, une galerie d’un nouveau genre vient de voir le jour. Elle s’appelle Libre vue, du nom de l’association qui en est à l’origine. C’est là que réside la photographe et réalisatrice Catherine Cabrol et que les photographies de sa collection “Carton rouge” viennent d’être accrochées pour quelques mois, après une première exposition à Paris. “Carton rouge” est une succession de portraits et de témoignages de femmes et d’hommes, valides ou en situation de handicap, connus ou anonymes, ayant subi des violences sexuelles dans le cadre de leur pratique sportive.

“J’ai réalisé mon travail contre les violences dans le monde du sport parce que j’aime le sport. Je veux que ça s’arrête, que la photographie réveille, comme d’autres médias ou témoignages peuvent le faire. Les portraits représentent 17 personnes qui assument, de face, de dire ce qu’il leur est arrivé dans des sports différents. Il faut les entendre, il faut les voir. J’emmène à voir et à entendre parce que j’écris leurs paroles en dessous.”

Un regard féminin

Le sport est quelque chose que connaît bien Catherine Cabrol. Elle a longtemps pratiqué le tennis, avant de s’épanouir dans le volleyball. Et elle a toujours aimé la photo. C’est pourquoi elle a décidé de combiner ses deux domaines de prédilection. Elle commence par prendre des clichés de sportifs, notamment un jeune tennisman à qui elle trouve du talent, qu’elle suit pendant ses entrainements, l’année où il remporte Roland-Garros. Nous sommes en 1983. Il s’agit de Yannick Noah.

C’est la consécration. Elle publie dans “Paris Match”. Catherine Cabrol pourrait devenir la photographe officielle du champion et se reposer sur cette gloire acquise, pas forcément évidente pour une femme à l’époque puisqu’elle est la seule à photographier des sportifs. Mais elle découvre qu’elle aime photographier les gens au-delà du sport. Elle ouvre alors son champ d’action, photographie des gens dans le monde entier, de tous horizons. C’est la période de gloire des agences de presse. “J’avais envie de créer, raconte-t-elle. D’être inventive et de sublimer ce regard féminin. J’y tenais parce que je trouvais que je n’avais pas le même point de vue que les garçons. Ce que j’ai réussi à affirmer au fil du temps.”

“J’ai voulu m’éduquer”

Elle photographie des personnages célèbres, de nombreuses actrices, dont une qu’elle affectionne tout particulièrement, Marie Trintignant. Elle réalise une séance alors qu’elle se trouve à Vilnius. Elle ne la reverra jamais, tuée peu après par son compagnon. “C’est quelque chose qui a changé ma vie parce que je n’ai rien vu venir. Pourtant, mon métier, c’est de voir, et là, je n’ai rien vu. Donc j’ai voulu m’éduquer. Je suis allée à la rencontre des femmes victimes de violences et je les ai photographiées.” Ce travail, débuté en 2003 et approvisionné en permanence depuis lors, c’est “Blessures de femmes”, qui donnera lieu à des films, des photos, bien sûr, des expositions, mais aussi un livre.

“J’avais déjà intégré dans ce sujet une sportive qui avait subi des violences de la part de son entraineur. Mais là, je voulais aller plus loin et aussi m’attacher aux garçons qui subissaient des violences. J’ai donc créé un sujet, “Carton rouge”, dédié aux jeunes femmes et aux jeunes hommes qui ont subi des violences sexuelles dans le monde du sport.” Un travail achevé en début d’année.

Des photos solidaires

Le 28 août, une soirée spéciale* est organisée à la galerie à l’occasion du lancement des jeux paralympiques. “Carton rouge”, mais aussi d’autres photographies célébrant les sportives et sportifs en situation de handicap, seront exposées à la galerie Libre vue. L’ancienne joueuse de tennis Angélique Cauchy, qui apparaît sur l’un des clichés, sera présente. Elle est membre fondatrice de l’association Rebond, qui s’engage dans la prévention et l’accompagnement des victimes de violences sexuelles dans le sport.

Catherine Cabrol tient énormément aux Jeux paralympiques, car en 2007 elle a photographié de jeunes enfants aveugles au Mali, pays d’origine de sa fille. Ce travail a donné naissance à la création d’un terrain de cécifoot (foot pour non-voyants). “Je me suis dit que je ne pouvais pas m’enrichir avec ces photos sans leur offrir quelque chose en échange.” Cent-vingt enfants, filles et garçons, s’entrainent toute l’année sur ce terrain à Bamako. L’équipe nationale du Mali s’est constituée avec 100% de joueurs issus de ces entrainements, lesquels ont disputé quatre Coupes d’Afrique des Nations et une Coupe du monde. L’accent est mis désormais sur les compétions féminines. “La photographie rend donc service à des jeunes non-voyants, par le biais du sport et je trouve ça chic. Les non-voyants ont changé ma vision du monde. Ce sont les aveugles qui me guident et non l’inverse. Et pourtant, je suis photographe.”

Des photographies et un engagement à découvrir à Villandraut, en Gironde, siège de l’association, une galerie de campagne insolite et unique. Ou via la Boutique solidaire en ligne pour aider Libre vue à continuer d’œuvrer dans son action photographique et engagée. S’y trouvent plusieurs collections sur des thèmes comme la place de la femme dans le sport, le Mali avec la collection “Solidarité aveugle” et “Blessures de femmes”; Il est alors possible d’acquérir une belle image, encadrée, chic et qui permet de soutenir l’association !

*Lors de cette soirée, deux sessions de sensibilisation au cécifoot seront organisées dans les jardins de la galerie. Les participants volontaires auront les yeux bandés et seront encadrés par Thiam, capitaine de l’équipe nationale de cécifoot au Mali et acteur essentiel du programme Solidarité Aveugle de Libre vue à Bamako.

Ce contenu audio a été diffusé le 08 août 2024 sur AirZen Radio. Maintenant disponible en podcast sur airzen.fr, notre application et toutes les plateformes de streaming.

Par Florence Jaillet

Journaliste

Agence de communication Perpignan