Situé entre Quimper et Lorient, Pont-Aven est une commune finistérienne de 2 800 habitants. Surnommée la Cité des peintres, cette bourgade du sud Finistère, traversée par le fleuve Aven, accueille chaque année environ 75 000 touristes, principalement des Français. Annaïg Trouboul, référente du bureau d’information touristique de Pont-Aven, nous explique comment s’est construite sa popularité.
AirZen Radio. D’où vient le surnom de Cité des peintres ?
Annaïg Trouboul. En 1864, 65 artistes arrivent à Pont-Aven. Les premiers sont américains, Robert Wylie notamment. Lui va rester très longtemps, puisqu’il tombe amoureux de Julia Guillou, qui tenait une auberge à Pont-Aven. Cet artiste va un peu assurer la promotion du village. Il fait venir d’autres peintres de son entourage. On parle d’une colonie d’artistes internationale avec des Belges, des Danois, des Hollandais, des Irlandais qui se côtoient. Donc en 1870 on a déjà ce groupe de réalistes bien installé. Puis, d’autres artistes vont arriver. Et surtout Paul Gauguin, en 1886, qui, lui, fera partie des impressionnistes et va créer cette fameuse École de Pont-Aven.
Qu’est-ce que cette école ?
Il y a à cette époque les impressionnistes, qui travaillent à l’extérieur, observent les couleurs, utilisent des petites touches de couleurs. Paul Gauguin, lui, va se détacher un peu de ce mouvement pour faire des choses différentes. Il va supprimer ces petites touches de couleurs pour faire des aplats, utiliser la technique du cloisonnisme, et va arriver un style qu’on va appeler le synthétisme. Il vient du mot synthèse. À la différence des réalistes, qui font tous les détails, qui représentent la réalité, Paul Gauguin simplifie, synthétise, d’où le synthétisme. On peut donc dire qu’il y avait trois écoles en même temps à Pont-Aven : réaliste, impressionniste et synthétiste. C’est le nom d’un style. Le mouvement synthétiste, on l’appelle l’École de Pont-Aven.
Dans quels tableaux peut-on retrouver des paysages de Pont-Aven ?
Pour pouvoir s’en rendre compte, à l’office de tourisme, il y a un plan de la ville et avec lequel on propose des circuits où se balader. À Pont-Aven, il y a des petits panneaux avec des reproductions de tableaux à l’endroit où ils ont été peints. Par exemple, un tableau qui s’appelle “Les Lavandières” de Paul Gauguin représente une partie de la rivière. Il y a aussi “Le moulin David” du même peintre.
Qu’est-ce qui a tant plu aux artistes pour qu’ils viennent et restent à Pont-Aven ?
Il ne faut pas oublier qu’à l’époque on se déplaçait à pied avec le matériel sous le bras. Il y avait cette fameuse peinture en tube. Les artistes voulaient donc travailler directement sur le sujet. Et à Pont-Aven, comme il y avait pas mal de réalistes, les impressionnistes sont arrivés un peu par curiosité. Puis, finalement, ils y ont trouvé des gens accueillants. Ils ont trouvé des modèles gratuits alors qu’à Paris, il fallait les payer. Ici, une femme qui était en train de filer la laine, continuait son travail, posait et c’était gratuit.
Et puis, il y a plein de sujets différents : le port, les moulins, la forêt, les vieilles pierres. Tout ça se découvre à pied. Ce qui était très pratique. Autre point important : l’hébergement. À Pont-Aven, il y avait pas mal d’auberges et pensions et surtout une femme, qui s’appelait Marie-Jeanne Gloanec, et qui tenait une auberge. Elle permettait aux artistes de vivre à crédit. Ils passaient donc ici un séjour, plutôt entre le printemps et l’automne. L’hiver, ils repartaient à Paris. Ils laissaient des toiles en gage de leur retour et revenaient s’ils pouvaient la payer. Sinon, Marie-Jeanne gardait les tableaux. On dit d’ailleurs qu’elle avait tellement de Gauguin qu’elle ne savait pas quoi en faire et les utilisait en guise de paillasson (rires).
S’il fallait résumer les lieux emblématiques de Pont-Aven, quels sont-ils ?
Déjà, le port. Il y a un joli port avec la rivière l’Aven. Il est possible de se balader tout le long, sur le sentier côtier. On a aussi les traces des moulins sur la rivière. Il y a la promenade Xavier Grall, un petit jardin dans le centre-ville, avec les anciens lavoirs tout le long, qui donne un accès vers le Bois d’Amour.
Ce bois était le lieu d’inspiration des peintres. Ils se retrouvaient là pour observer les formes, les couleurs, les reflets dans la rivière. D’ailleurs, c’est Paul Sérusier qui a peint “Le Talisman” sous la dictée de Paul Gauguin. Dans ce Bois d’Amour et au-dessus, il y a un circuit jusqu’à la chapelle de Trémalo. Cette chapelle est connue dans le monde entier parce qu’elle abrite le Christ qui a inspiré Gauguin pour un tableau qui s’appelle “Le Christ jaune”. Elle est ouverte tous les jours et il est possible de la visiter toute l’année. Il y a aussi une exposition de reproductions d’œuvres de Gauguin à l’intérieur. Sinon, il y a le Musée de Pont-Aven qui présente cette École de Pont-Aven. Et, à côté, toujours des expositions temporaires.
L’exposition “Anna Boch, voyage impressionniste” est visible jusqu’au 26 mai au Musée de Pont-Aven.