En se rendant au quartier du Grand Parc, à Bordeaux, il faudra lever les yeux en ciel. Ainsi, sont accrochés sur les façades des immeubles et aux réverbères une cinquantaine de portraits de jeunes en insertion professionnelles originaires de ce quartier. Ces œuvres ont été réalisés par la photographe Henrike Stahl, lorsqu’elle était en résidence au Château Palmer, à Margaux, en Gironde. Celles-ci ont donné lieu à l’exposition urbaine « Instants ».
« Depuis plusieurs années, le château a un lien avec l’art et notamment avec la photographie. On accueille depuis trois ans des artistes. L’an dernier, c’était Henrike. Lors d’un de ses passages, elle a été particulièrement touchée par la collaboration de Palmer avec l’association Académie Younus. Celle-ci propose à des jeunes une première expérience dans les vignes », explique Sabrina Pernet, directrice technique du site.
Humain et nature
C’est donc de façon fortuite que l’artiste a rencontré ces jeunes en insertion professionnelle en pleines vendanges. « Ils se promenaient un peu partout, comme des petites plantes plantées dans les vignes. Puis, on a commencé à faire des photos ensemble. Ce sont des portraits assez simples et naturels. Après, ce n’était pas un travail, on va dire « corporate », sur le travail dans les vignes. L’idée était de faire des portraits et de montrer l’interaction de l’humain avec la nature. »
Résultats : plusieurs tirages de différents formats, de type bâche 9 m sur 13, de la taille d’un drapeau, qui ont été imprimés. Ces derniers ont été dispersés dans le quartier du Grand Parc, qui fait donc office de galerie d’art en plein air jusqu’au 22 septembre. Henrike, y a également mêlé une autre série de photos dans laquelle elle fait intervenir la nature. Elle l’a appelée « L’arc sera parmi les nuages », rappelant l’histoire de Noé et qui porte un message de paix.
Fierté
Adael Madi Abdou, 19 ans, à présent en service civique à l’Académie Younus, fait partie des modèles. Son portrait est accroché sur la façade de son bâtiment, lui conférant un sentiment de fierté. « J’ai directement accepté, parce que c’est une exposition sur nous, donc les gens du quartier. C’est un beau projet avec de belles photos. Je n’aurais jamais pensé qu’une chose comme ça aurait pu avoir lieu ici. Ça rajoute de la beauté en plus », dit-il.
Pour Henrike Stalh, il était évident que les portraits soient affichés dans le quartier du Grand Parc. C’est avec les jeunes qu’elle a par ailleurs élaboré la scénographie. « Je voulais, déjà, leur rendre la lumière, les mettre à la lumière, parce qu’ils m’ont beaucoup donné. Aussi, avec cette exposition, je voulais mélanger les gens puisque j’ai cru comprendre qu’il n’y a pas beaucoup de personnes d’autres quartiers qui viennent ici. J’ai donc envie que les gens qui habitent dans Bordeaux viennent ici, se promènent là », espère-t-elle.
Avec cette exposition, l’artiste a par ailleurs souhaité insuffler de « l’espoir et sauvegarder un petit peu de ce qui se passe de bien aujourd’hui. Parce que quand je me dis que, dans 300 ans, on va penser à notre époque, on va forcément parler des guerres qui ont lieu et de toutes les atrocités. Moi, je trouvais qu’il y avait beaucoup de bienveillance et d’humanité dans les vignes. Puis, en échangeant, en s’entraidant, on peut encore faire quelque chose et ce n’est pas du tout fini ».