Bertand Delhom est un Breton de 61 ans, originaire de Plabennec, dans le Finistère. Passionné de voile, il en pratique depuis ses 10 ans. Cet amour pour ce sport et le large a fait de lui le premier Français atteint de la maladie de Parkinson – maladie neurodégénérative – à avoir bouclé un tour du monde à la voile, de huit mois, en équipage. C’était en avril dernier avec l’équipage du Neptune, lors de l’Ocean Globe Race. Pour AirZen Radio, il est revenu sur le moment de la découverte de sa maladie, en 2021, et sur ce défi qu’il s’est lancé.
AirZen Radio. Comment s’est déroulé l’annonce de la maladie de Parkinson ?
Bertrand Delhom. J’ai eu un parcours de santé assez chargé et j’avais des signes avant-coureurs. Mais je n’y prêtais guère attention, car ces signes sont associés aux autres maladies que j’avais déjà. De la fatigue intense, avoir mal un peu partout, aux articulations… Puis, un jour, je devais aller à Rennes pour une opération similaire à celle que l’on fait aux parkinsoniens : une neurostimulation profonde pour un torticolis spasmodique. J’ai passé tous les tests à Rennes et ils m’ont ordonné un DAT-scan. À l’issue de cet examen, ils m’ont annoncé que j’étais atteint de la maladie de Parkinson. C’était le 2 mai 2021.
C’est donc à la suite de ce diagnostic que vous avez eu envie de faire quelque chose d’extraordinaire ?
Oui, dès l’annonce du verdict. Ça fait très procès (rires), mais c’est limite ça. Ça a été uppercut pour moi. J’étais vraiment terrassé, pendant facilement 2-3 mois. Et à un moment, je me suis dit qu’il fallait se relever, ne pas rester dans mon coin. Ayant déjà fait par le passé des tentatives de suicide, je ne voulais pas du tout emprunter ce chemin. Et oui, effectivement, je me suis demandé ce que je pouvais faire avec la maladie. Aussi, ma grand-mère était atteinte de Parkinson. J’ai le souvenir donc de ma grand-mère qui était une personne très joviale, très alerte. Et de voir que cette maladie a créé chez elle une descente aux enfers, c’était dur. Ça a donc réveillé en moi l’amour que j’ai de la mer et de la voile.
Quelles démarches avez-vous entreprises ?
J’avais projeté, il y a quelque temps, de faire un tour du monde avec Eric Tabarly. Je lui avais posé la question en 1985, et il m’avait répondu que l’équipage était complet. En 2021, j’ai reposé la même question, quand j’ai eu écho de cette course qui se créait, l’Ocean Globe Race.
Cette course a été créée pour les 50 ans de la Whitbread. La Whitbread était la première course autour du monde en équipage. D’abord, j’ai démarché tous les bateaux français qui étaient pré-inscrits. J’ai eu quatre réponses, dont deux positives. J’ai ensuite choisi le Neptune parce que le skipper a été confronté à la maladie de Parkinson avec ses proches et sa famille aussi.
Finalement, ce défi que vous vous êtes lancé, était pour vous ou aviez-vous d’abord envie de sensibiliser à la maladie de Parkinson ?
Simplement, pour moi déjà, c’est un moyen de ralentir la progression de la maladie. Tous les scientifiques sont d’accord sur le fait que pratiquer une activité physique ralentit l’avancée de la maladie. Enfin, que ce soit Parkinson ou d’autres maladies, l’activité physique est considérée comme une alliée très positive. Donc déjà, pour moi, je cherchais à réaliser un défi sportif.
Ce que je cherchais, aussi, c’était de parler de la maladie, évidemment. Je ne sais pas comment vous percevez ça, mais on s’aperçoit qu’il y a de plus en plus de personnes jeunes atteintes. Il y a beaucoup de patients jeunes, même très jeunes. La moyenne d’âge est en constante diminution. Aujourd’hui, elle est de 57 ans.
Est-ce que durant ce tour du monde, vous aviez pour projet de faire de la sensibilisation lors des étapes ?
L’idéal aurait été d’avoir des contacts avec des malades locaux. C’est-à-dire de savoir comment ils étaient traités, entre guillemets. Savoir comment ils sont intégrés dans leur pays, leurs soins… Avant le départ, j’avais contacté beaucoup d’associations locales dans les pays étapes. Malheureusement, il n’y a pas eu de répondant de ce côté-là. Ça a été un loupé pour moi. Je pense que c’est bien de pouvoir échanger entre personnes atteintes de cette maladie. Nous, notre devise à bord, c’était « Qui ose vivra ! » Ça veut bien résumer les choses de dire simplement aux porteurs de Parkinson qu’il faut y aller. Il ne faut pas se renfermer sur soi-même.
Aussi, si je pouvais passer un message à tous ces décideurs à l’embauche : n’ayez pas peur. Allez-y, franchissez le pas et vous verrez que vous serez gagnants.