« Nous partons en campagne pour défendre ce projet, parce que ce qu’il propose est tout simplement beau et invite à la créativité des habitants… », confie Amine Messal, ingénieur en aménagement du territoire. Il est aussi le représentant de la jeunesse française au G7 sur les questions du climat. Le militant écologiste a décidé de s’engager aux côtés du collectif La voie est libre, porteur du projet alternatif à celui de l’A69, « parce que [je] n’ai jamais lu quelque chose d’aussi abouti ».
Derrière ce document long d’une vingtaine de pages, récemment présenté à l’Assemblée nationale, un jeune homme : Karim Lahiani, urbaniste.
Un projet d’autoroute « écocide et antisocial » ?
« Une autre voie » est un contre-projet à celui d’Atosca, constructeur du tronçon de 53 km qui doit relier Toulouse à Castres. « C’est un projet écocide et antisocial qui permettra de faire gagner 15 minutes de temps de trajet moyennant 17€ l’aller-retour », déplore Karim Lahiani.
Sans compter le coût écologique : 400 ha de terres agricoles expropriées, des milliers voire des centaines d’arbres centenaires abattus, des voies d’insertion installées à l’entrée de plusieurs villages. « Cela va participer à rallonger le trajet de celles et ceux qui continueront d’emprunter la route nationale 126 », ajoute Amine Messal.
Aujourd’hui, nombreuses sont les voix à s’opposer aux travaux, qui ont débuté malgré plusieurs actions en justice toujours en cours. C’est le cas de l’activiste Thomas Brail, aussi fondateur du Groupe nationale de surveillance des arbres. Il a entamé une grève de la faim fin d’août. Par ailleurs, selon une consultation publique ayant recueilli 6 000 contributions, 90% des interrogés se sont dit opposés au projet.
« Sans compter les avis défavorables des scientifiques et des instances comme le Conseil national de protection de la nature ou encore de l’Autorité environnementale », ajoute l’urbaniste.
Une alternative crédible ?
La Voie est libre a donc décidé, pour se faire entendre, de proposer le projet le plus abouti possible. « Presque clé en main, même s’il peut être rediscuté », précise Karim. Ainsi, un « plan de revitalisation du territoire » a été proposé. « L’idée n’est pas de désenclaver Castres, car Castres n’est pas enclavée. L’idée est de redynamiser le tracé. D’en faire un axe pilote de la transition, sur les questions de la mobilité, oui, mais pas seulement ! »
Pour ce faire, le collectif propose de partir de l’existant : les 344 hectares de terres expropriées. Ils seraient ainsi utilisés pour bâtir la première véloroute nationale, longue de 87 km. « Cela permettrait aux ruraux de se déplacer de village en village de façon sécurisée », précise Amine Messal.
Mais ce n’est pas tout. La mobilité serait, selon le projet, entièrement repensée. Avec un réaménagement de la route nationale 126, aujourd’hui en partie limitée à 80 km/h. Ou encore la réouverture de cinq gares ferroviaires entre Toulouse et Mazamet. La fréquence des bus serait aussi augmentée…
Le soutien des scientifiques
Sept grands équipements sont aussi projetés le long du tracé : une cité du vélo, des jardins partagés, des terres cultivés en agroécologie et des espaces permettant aux jeunes agriculteurs de se lancer, des espaces culturels, des lieux de vie et de collectivité…
Le tout est estimé à quelque 100 millions d’euros, contre 450 millions d’euros pour l’actuel projet autoroutier. « Il y a des calculs à réajuster, notamment sur les coûts de fonctionnement. Mais c’est aussi le rôle des politiques publiques », assure Karime Lahiani. Comme pour le projet d’autoroute A69, le projet « Une autre voie » prévoit la création de 1000 emplois durables.
Si le ministre chargé des Transports Clément Beaune assure pour l’instant que le projet d’A69 verra bien le jour, même s’il souhaite « réduire son impact environnemental », La Voie est libre a reçu un soutien de taille. L’Atécopol, collectif de 200 scientifiques toulousains, dont deux auteurs du GIEC, a en effet dénoncé le projet dans une lettre ouverte. On peut y lire que les signataires ne sont pas « favorables à la construction de l’autoroute A69 et souhaitent « l’arrêt des travaux de ce projet d’autoroute ».