Artisanat : Hasnaâ Ferreira, chocolatière partisane du « bean to bar »

La Girondine pratique ce qu’on appelle « de la fève à la tablette ». Le but est de garantir la qualité du chocolat et du respect du travail de tous les maillons de la chaine de production.

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Chocolat : la tablette coup de cœur d’Hasnaâ Ferreira, chocolatière

Chocolat : la tablette coup de cœur d’Hasnaâ Ferreira, chocolatière

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Comment le chocolat a pris une place importante selon Hasnaâ Ferreira

Comment le chocolat a pris une place importante selon Hasnaâ Ferreira

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Artisanat : Hasnaâ Ferreira, chocolatière partisane du « bean to bar »

Artisanat : Hasnaâ Ferreira, chocolatière partisane du « bean to bar »

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Hasnaâ Ferreira, cheffe chocolatière bordelaise

Hasnaâ Ferreira, cheffe chocolatière bordelaise

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Rendre ses lettres de noblesse au chocolat. C’est la motivation première d’Hasnaâ Ferreira dans son métier d’artisan chocolatier. Installée en Gironde, cette chocolatière franco-marocaine s’impose par sa rigueur à sublimer à chaque instant le cacao, avec son entreprise Hasnaâ Chocolats Grands Crus.

Ses efforts et celle de son équipe payent, puisque Hasnaâ a été à plusieurs fois primée. En février, elle a notamment reçu la médaille d’or mondiale de l’International Chocolate Awards pour sa tablette de chocolat noir bio du Pérou Qori Inti 75%. Une voie vers le chocolat qui lui réussit et qu’elle a empruntée à l’âge de 30 ans, après une reconversion professionnelle. Passionnée par le travail de ce végétal, Hasnaâ met un point d’orgue à le respecter au mieux.

AirZen Radio. Vous avez pour particularité de pratiquer le « bean to bar ». En quoi cela consiste ?

Hasnaâ Ferreira. C’est tout simplement “de la fève à la tablette”. Derrière cette phrase, il y a une philosophie. Elle consiste à choisir les fèves de qualité, de bonne variété, d’un bon terroir et surtout ne pas laisser le producteur derrière. On se pose la question de sa rémunération. On fait en sorte de ne pas travailler dans un endroit où est pratiqué le travail des enfants.

Tous ces critères sont parfois sous l’égide d’un label. Or nous, on n’a pas à payer un label pour ça. On s’engage parce qu’on a une conscience là-dessus en tant qu’artisan. Et on ne souhaite pas participer au malheur des autres alors que le chocolat est censé contribuer au bonheur des gens.

Comment cela se met en pratique dans votre atelier ?

Dans notre atelier, à Canéjan [en Gironde, NDLR], on travaille les fèves. Mais on n’en est pas encore autonomes à 100 % dans la fabrication de notre chocolat. Donc j’achète pour le moment des chocolats de couverture. Comme son nom l’indique, il doit être fin pour pouvoir couvrir des bonbons en chocolat. On va donc y ajouter de la matière grasse, qui est du beurre de cacao. C’est ce qui va lui donner beaucoup de fluidité. Ça va être un chocolat, je ne veux pas dire lambda, mais il va être bien correct. Mais il va s’effacer pour laisser transparaître d’autres saveurs.

En revanche, dans une tablette « bean to bar », comme on veut la pureté du produit, on ne va pas ajouter de beurre de cacao. On veut garder les fèves et le sucre. C’est donc un chocolat qu’on ne peut pas utiliser pour l’enrobage, parce qu’il va être épais. Cependant, au niveau du goût, il va avoir une longueur en bouche assez exceptionnelle.

Torréfiez-vous vous-même les fèves ?

On torréfie les fèves qui sont juste fermentées et séchées, puis on les fait refroidir immédiatement. Ensuite, on va les concasser, les passer dans une machine qui va enlever les déchets, que sont la peau et les germes. On va récupérer ce qu’on appelle le grué de cacao ou les éclats de fève. C’est la matière première noble, avec laquelle on va travailler. On donne les peaux de fèves aux gens qui ont un potager, puisque c’est un produit riche en azote. Il peut être utilisé comme tisane.

Donc ce grué de cacao va dans une machine, la pré-broyeuse, qui ne va pas l’agresser pour atteindre la granulométrie de 200 microns. On est dans les prémices d’une pâte qu’on récupère pour mettre dans une broyeuse. Celle-ci va travailler, malaxer et affiner cette pâte, à laquelle on a rajouté du sucre. Sinon, on ne peut pas appeler ce produit chocolat. Ce procédé va durer deux ou trois jours selon les recettes et l’acidité qu’il y a dans la fève.

D’où viennent ces fèves ?

De pas mal de pays. Brésil, Nicaragua, Pérou, Inde, Philippines, Tanzanie, Ouganda et Congo. On les choisit grâce à une sourceuse, Catherine. Son métier consiste à aller chercher des fèves de qualité. Elle va surtout former les gens sur place pour qu’ils puissent bien les travailler. Parce qu’on ne peut pas avoir des fèves de qualité si elles ne sont pas bien travaillées.

Catherine est une réelle valeur ajoutée parce qu’elle va sillonner le monde pour trouver ces fèves de qualité. Et on lui fait énormément confiance. Quand on la rejoint sur place, on s’imprègne du terroir et du travail des gens. Ainsi, on ne travaille plus le chocolat de la même façon. Et elle nous aide à faire cela. Puis, elle répond déjà aux 17 normes de l’ONU depuis des années. Elle est aussi ingénieure spécialisée en reforestation. Elle va donc aller dans des endroits qui ont une valeur humaine, sociale et environnementale.

Mais cette pratique du « bean to bar » n’est pas mise en place par tous les artisans chocolatiers…

Tout à fait. En France, on est plus de 4 000 chocolatiers. Il y a vraiment moins d’1% qui effectuent le travail de la fève à la tablette. Ça commence à revenir à la mode. J’espère que ce n’est pas juste une simple mode, mais une autre manière de voir les choses.

Pourquoi cette pratique s’est perdue, selon vous ?

Je dirais que c’est une bonne chose que ça se soit perdu. Pendant une période, l’industriel s’est approprié ce travail, et ça a un peu aidé le chocolatier, car il faut savoir que c’est de la trésorerie qui dort. C’est du travail supplémentaire. Le chocolatier a ainsi pu améliorer son processus de fabrication au niveau des recettes. Les Français sont réputés pour leurs chocolats raffinés puisqu’ils ont justement eu le temps et la trésorerie et la capacité de se concentrer sur ça. Donc, ça a eu des effets positifs.

Le point négatif, c’est le savoir-faire, qui s’est un peu perdu. Le parc machine n’existait plus. Pour acheter des machines, il a fallu glaner un peu dans le monde entier. Il n’y a aucun fabricant français qui fait des petites machines pour les petits artisans. Mais c’est en train de changer, puisqu’il y a de plus en plus de chocolatiers qui veulent travailler la fève.

Et vous, que recherchez-vous quand vous produisez toutes ces tablettes ?

Honnêtement, je cherche à donner ses lettres de noblesse au chocolat. Je cherche à le sortir de son carcan d’une simple confiserie, parce que c’est un produit végétal au même titre que le raisin qui donne le vin. Le vin, on peut le déguster lors de grandes tablées. Et le chocolat a souvent été cantonné aux barres chocolatées, aux pâtes à tartiner. On ne le connaît pas vraiment.

Je rencontre beaucoup de gens qui n’aiment pas le chocolat noir, pensant que ce qu’ils ont goûté est la référence. C’est malheureux parce qu’il y a plusieurs sortes de chocolat noir. Cest dommage de passer à côté de ça. C’est vraiment mon objectif principal.

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Ce contenu audio a été diffusé le 13 juin 2024 sur AirZen Radio. Maintenant disponible en podcast sur airzen.fr, notre application et toutes les plateformes de streaming.

Par Jennifer Biabatantou

Journaliste

Agence de communication Perpignan